Sous presse
Les articles sous presse (acceptés pour publication) sont en ligne provisoirement dans cette rubrique dans l’attente de la publication du numéro complet auquel ils sont associés. Tous les articles ont suivi le processus d’évaluation de la revue (à double aveugle).
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Le curatif, le palliatif… quelle importance ? L’expérience de parents ayant accompagné leur enfant dans la grande maladie et la fin de vie
Sylvie Fortin, Sabrina Lessard, Alizée Lajeunesse
Cadre de la recherche : Dans la grande maladie, la prolifération des possibilités thérapeutiques retarde souvent le moment où la mort est envisagée et où les soins palliatifs, trop souvent associés à la fin de vie et à la mort, sont introduits dans les trajectoires des malades. Dans ce contexte, les soins palliatifs pédiatriques tentent de jouer un rôle actif dans la relation de soins, au-delà de l’idée de traitements pour la guérison.
Objectifs : Notre article cherche à mieux comprendre le moment où les soins palliatifs deviennent une possibilité dans la trajectoire de la grande maladie, et comment ils sont représentés. Nous nous intéressons à la place que ces soins occupent dans le vécu des parents, ainsi que la manière dont s’exprime leur expérience de la grande maladie, et plus précisément la dimension relationnelle de la fin de vie.
Méthodologie : Nous nous appuyons sur les témoignages de parents dont les enfants ont souffert de maladies graves et de décès. Par le biais d’entretiens individuels semi-dirigés entre 2017 et 2019, nous avons recueilli les histoires de 16 enfants et adolescents montréalais d’origine migrante ou non-migrante (10 garçons et 6 filles âgés de quelques semaines à 19 ans), atteints d’une maladie génétique ou rare, d’un cancer ou de plusieurs maladies chroniques.
Résultats : Non seulement le type de maladie est une composante importante dans le parcours des soins palliatifs, mais le care et le profil des familles sont également déterminants dans la perception d’une expérience (néanmoins) positive de la fin de vie de leur enfant.
Conclusions : Les perspectives thérapeutiques curatives/palliatives ont peu d’influence sur la satisfaction de nos participants quant aux soins de fin de vie, tant qu’un lien de confiance thérapeutique est présent entre la famille et l’équipe soignante. Que ce soit positif ou négatif, ce lien de confiance influence les relations de soins pédiatriques et les trajectoires de maladies graves, ainsi que les expériences de fin de vie vécues par les proches.
Contribution : À travers les expériences d’enfants en fin de vie telles que partagées (principalement) par les mères, cet article aborde les perspectives curatives et palliatives telles que choisies par les parents d’enfants confrontés à un sombre pronostic. Au-delà des différentes philosophies qui habitent ces approches, la qualité (et la continuité) des relations établies avec les soignants est un facteur déterminant dans la qualité des expériences documentées par notre étude.
Mots-clés: relation thérapeutique, soin, pédiatrie, enfant, parent, maladie grave, fin de vie, palliatif, accompagnement
De la solidarité aux menaces de mort : prise en charge des orphelins après le génocide des Tutsi
Domitille Blanco
Cadre de la recherche : L’article s’inscrit dans le cadre d’une thèse en socio-anthropologie portant sur la transmission de la mémoire familiale de Rwandais vivant en France. Nous nous intéressons ici à la prise en charge des orphelins après le génocide des Tutsi du Rwanda.
Objectifs : L’objectif de l’article est d’amener à une meilleure compréhension des reconfigurations familiales dans le Rwanda post-génocide. Nous verrons en quoi la crise de la prise en charge des orphelins a transformé les frontières de la parenté.
Méthodologie : Nous avons effectué une étude ethnographique reposant sur un terrain « en pointillé » de 2014 à 2019. Nous avons effectué des entretiens semi-directifs avec des Rwandais vivant en France et ayant moins de 20 ans en 1994, ainsi qu’avec des membres de leur famille. Cela a été complété avec l’élaboration d’arbres de parenté et avec des observations réalisées lors de commémorations.
Résultats : Nous documentons ici diverses situations d’accueil en famille, en ménage d’enfants ou en orphelinat, qu’ont pu vivre les orphelins après le génocide. Le gouvernement rwandais a mené une politique familialiste aboutissant à la « réunification » ou au placement dans une famille. Nous présentons des configurations de maisonnées, associant ou non la parentèle, voire se protégeant d’elle.
Conclusions : Le génocide a provoqué une crise de la prise en charge des orphelins qui a mis à nu les relations de parenté, à travers les actes de solidarité ou d’hostilité. Maisonnées et lignées ont vu leurs frontières se redessiner avec les exclusions et les inclusions symboliques, affectives et matérielles des orphelins.
Contribution : L’article permet de réinscrire les relations de parenté et la parenté quotidienne dans un contexte socio-économique et historique donné, celui du Rwanda post-génocide. Il apporte un éclairage sur les changements familiaux et sociétaux qui adviennent au lendemain d’un génocide.
Mots-clés: orphelin, parenté, génocide, Rwanda, fratrie, prise en charge, famille
Les politiques sociofiscales d’incitation pour l’emploi familial saisies par les pratiques sociales : mécanismes de classe et de genre de la délégation
Sebastián Pizarro Erazo
Cadre de la recherche : Depuis les années 1990, les pouvoirs publics français développent des politiques sociofiscales qui encouragent les familles à avoir recours à l’emploi à domicile pour déléguer le travail domestique, parental et du care. L’objectif est de favoriser l’aptitude des femmes à tenir des engagements sociaux pluriels. Cela dit, les travaux pointent la persistance des inégalités de classe dans la pratique de la délégation et soulignent la charge de travail qu’elle implique pour les femmes.
Objectifs : L’objectif de cet article consiste à saisir les mécanismes de classe et de genre à l’œuvre dans la pratique de la délégation. Ainsi, il cerne dans quelle mesure le régime de reproduction français contemporain, à savoir le référentiel organisationnel des pratiques de prise en charge des activités qui entretiennent la vie humaine, soulage le travail domestique dans les familles et, en particulier, du côté de femmes.
Méthodologie : À partir d’entretiens semi-directifs menés en Île-de-France dans le cadre d’une recherche doctorale en sociologie auprès de 38 familles, nous allons saisir un ensemble de mesures emblématiques du régime de reproduction d’après des pratiques familiales : les politiques sociofiscales d’incitation pour l’emploi familial.
Résultats : L’analyse montre qu’en laissant inchangé le référentiel organisationnel du régime de reproduction, les politiques sociofiscales d’incitation pour l’emploi familial maintiennent, voire renforcent les inégalités de classe et de genre.
Conclusions : Tant que le régime de reproduction français ne reviendra pas sur les fondements de son référentiel organisationnel, tout porte à croire que les politiques qui encouragent la délégation des activités familiales auront des conséquences inégalitaires.
Contribution : Cet article rend compte de la manière, dont les incohérences entre référentiels d’une part, et pratiques sociales d’autre part, freinent la portée transformatrice des politiques publiques.
Mots-clés: politique publique, famille, travail domestique, conciliation famille-travail, reproduction humaine, France
« Y’a pas de place pour vous ». Formes de non-recours à des modes d’accueil des jeunes enfants en quartiers populaires
Pascale Garnier, Catherine Bouve, Carmen Sanchez, Valérie Viné-Vallin
Cadre de la recherche : Les inégalités d’accès aux modes d’accueil des jeunes enfants sont particulièrement fortes en France. Nous les analysons à travers la question du non-recours aux droits et aux services (Warin, 2016), afin de penser les bricolages de garde des familles vis-à-vis d’une offre publique locale.
Objectifs : L’objectif est d’analyser les différents bricolages de garde qu’opèrent les mères des milieux populaires confrontées à une offre publique très insuffisante d’accueil de la petite enfance et à des critères d’attribution qui ne leur sont pas favorables.
Méthodologie : L’enquête empirique repose sur des entretiens de type compréhensif réalisés auprès de mères (N = 27), dans trois quartiers populaires, d’une ville très faiblement dotée en modes d’accueil formel des jeunes enfants.
Résultats : L’analyse montre les différentes formes de non-recours qu’ont les mères aux modes d’accueil de jeunes enfants. Ces formes sont connectées aux situations sociales et professionnelles auxquelles elles sont confrontées en lien avec une insuffisance de l’offre locale : une non-demande assumée ou revendiquée ; une non-information et une méconnaissance de l’offre et des démarches administratives ; une non-proposition et une non-réception face à des propositions alternatives à la crèche, des gardes informelles par des proches ou au noir. Avec l’avancée en âge des enfants, les mères expriment des besoins croissants d’accueil qui visent spécifiquement leur développement et leur socialisation, et non seulement les nécessités liées à leur insertion et activité professionnelle.
Conclusion : Les difficultés rencontrées par les mères interrogent l’offre municipale dans le domaine de la petite enfance, d’un point de vue quantitatif et qualitatif, ainsi que les bricolages de garde combinant des solutions de garde formelles et informelles.
Contribution : Pour comprendre le recours ou non des mères à un accueil extrafamilial, nous soulignons l’importance de prendre en compte simultanément la situation de l’offre locale à laquelle elles sont directement confrontées et leur propre situation sociale et professionnelle.
Mots-clés: petite enfance, mère, quartier populaire, accueil extrafamilial, garde des enfants, non-recours, conciliation famille-travail, besoin de l'enfant
Les obstacles au plein investissement de la paternité tels que représentés par des pères haïtiens
Gabrièle Gilbert, Sophie Gilbert
Cadre de recherche : La difficulté d’investissement du père envers son enfant, surtout après la séparation d’avec la mère, est un phénomène courant en Haïti. Cette problématique – qui expose les femmes et les enfants à des conséquences négatives – est peu documentée dans les écrits scientifiques.
Objectif : L’objectif de cet article est de comprendre la manière dont des pères haïtiens se représentent les entraves possibles au plein investissement de la paternité en Haïti.
Méthodologie : Un devis qualitatif de recherche a été employé. À l’aide d’une question d’entame ouverte, la chercheuse a invité les participants à partager leur expérience subjective de la paternité. Une démarche de co-construction de sens a été menée avec les sujets de recherche. Onze pères, vivant en Haïti et n’ayant pas de contacts réguliers avec au moins un de leurs enfants, ont été rencontrés. Nous avons réalisé deux entretiens (chacun d’une heure et demie) avec 10 participants, ce qui porte le nombre total d’entretiens à 21.
Résultats : Une analyse thématique a révélé différents obstacles potentiels au plein investissement paternel en Haïti, dont la difficulté pour le père à prendre sa place au sein d’une configuration familiale matrifocale, la répétition d’un modèle paternel défaillant, la tendance à adopter des comportements d’évitement (sous-tendus par des enjeux narcissiques), ainsi que le désinvestissement psychique de la paternité réelle au profit d’une paternité imaginée.
Conclusions : Alors que le plein investissement de leur paternité semble être régulièrement repoussé par les pères rencontrés, l’enfant demeure présent à travers leurs pensées. La participation des pères à notre recherche suggère un désir de changement par rapport à la problématique.
Contribution : Outre sa contribution aux écrits scientifiques, cette étude offre des pistes de recherche pour l’avenir. Des recommandations concernant l’intervention y sont émises, avec un accent sur la transformation de l’investissement de la paternité en Haïti.
Mots-clés: paternité, dynamique familiale, transmission intergénérationnelle, contact parent-enfant, culture, engagement parental, relation parent-enfant, étude qualitative, psychologie
Endettement et santé mentale : Le rôle de l’organisation financière et de la distribution des responsabilités économiques au sein du couple
Caroline Henchoz, Tristan Coste, Boris Wernli
Cadre de la recherche : Les dettes ont été peu étudiées en tant que désavantage socio-économique contribuant à une mauvaise santé. Selon les écrits scientifiques, un endettement problématique est lié à une moins bonne santé mentale. Cela est notamment attribué aux difficultés de gestion financière qu’implique cette situation, mais les mécanismes de ce lien sont mal connus.
Objectifs : L’objectif de cet article est de vérifier si l’effet d’une dette sur la santé mentale varie en fonction de l’organisation financière et de la distribution des responsabilités économiques au sein du couple.
Méthodologie : Cet article utilise les analyses longitudinales des données du Panel suisse de ménages (PSM) (1999-2019).
Résultats : Si l’approche longitudinale démontre que la survenue d’une dette problématique engendre une baisse de la santé mentale, nos résultats ne permettent pas de confirmer l’influence de l’organisation financière. Nous montrons toutefois qu’il existe différents types de gestion parmi les couples endettés et que dans la majorité des cas, un seul des conjoints en assume la charge, la femme plus souvent que l’homme. Or les femmes ont le niveau de santé mentale le plus faible, sans doute parce qu’elles gèrent plus souvent les finances des ménages les plus précaires.
Conclusions : Les modes de gestion financière sont associés à des niveaux de santé mentale différents, mais ce lien n’a pas pu être mis en évidence lors de la survenue d’un événement isolé (l’endettement problématique) mesuré de manière ponctuelle. Nous supposons que l’organisation financière a une influence à plus long terme.
Contribution : Notre étude contribue aux connaissances sur les dimensions socio-économiques de la santé. En ouvrant la boîte noire des ménages, elle explore l’organisation financière, un angle mort de la recherche sur les liens entre santé mentale et endettement.
Mots-clés: argent, dette, analyse longitudinale, santé mentale, genre, panel suisse de ménage, gestion, organisation financière