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No 29 - 2018

Les temps des familles
Sous la direction de Benoît Hachet, Gilles Pronovost




Le travail du temps dans les familles contemporaines
Benoît Hachet

Cadre de la recherche : L’intérêt renouvelé de la sociologie pour les dimensions temporelles de l’activité sociale offre des perspectives éclairantes sur le fonctionnement des groupes familiaux. Le temps social dominant impose un cadre pour la coordination des activités des différents membres des familles, et, comme durée, il offre la possibilité de narrations multiples et de projections variées dans l’à venir. Pour les familles, le temps est à la fois une contrainte et une ressource.

Objectifs : L’introduction de ce numéro sur « les temps des familles », dont le pluriel veut souligner l’irréductibilité du temps à une seule dimension, pose une double question. Comment les temps construisent les familles ? Comment les familles construisent leurs temps ?

Méthodologie : Sont recensés dans cette introduction des travaux qui relèvent de la sociologie du temps dans ce qu’ils peuvent éclairer les pratiques des familles, aussi bien dans une perspective synchronique que diachronique, pour l’ensemble du groupe, ou pour certains de ses membres.

Résultats : Les temporalités de la scolarité, comme celles de l’activité professionnelle constituent des cadres socio-temporels qui s’imposent à toutes les familles, aussi bien dans la nécessité de construire une organisation calendaire adaptée, que dans la préparation du futur. Les niveaux d’adaptation aux contraintes sociales et physiques du temps varient selon les milieux sociaux et selon le genre. Les femmes ont un rôle privilégié dans l’organisation du temps familial et dans la transmission des savoirs faire temporels.

Conclusions : Le temps n’est pas un milieu extérieur dans lequel se déploient les activités des individus et les familles. Les acteurs familiaux travaillent leurs différents temps, ensemble ou de façon séparée, pour remplir des objectifs de reproduction, physique, familiale ou sociale, de façon stratégique et planifiée, ou opportuniste et dispersée. Les temps des familles ne sont pas seulement subis, ils sont agis.

Contribution : En plus d’être une contribution à une analyse temporelle des dynamiques familiales, cette introduction ouvre des pistes peu explorées sur les manières dont les familles travaillent les différents temps qui les façonnent.

Mots-clés: famille, temps, temps-cadre, temps-durée, travail du temps, socialisation


Emploi du temps, résultats scolaires et bien-être chez les adolescents. Quel rôle pour les parents ?
Jiri Zuzanek, Margo Hilbrecht

Cadre de recherche : L’écart générationnel grandissant entre les parents et adolescents a retenu l’attention des chercheurs depuis les années 1920. L’augmentation de cet écart a souvent été attribuée au rôle croissant des médias et des pairs dans la vie des adolescents.

Objectifs : Les changements dans le rôle joué par les parents, les médias et les pairs dans la vie des adolescents sont examinés à la lumière de leur gestion du temps. Les données sur l’emploi du temps documentent le rôle déclinant des parents, mais montrent également que des stratégies constructives de la gestion du temps peuvent aider les parents à conserver et à renforcer leur rôle dans le développement intellectuel et affectif de leurs adolescents.
Méthodologie : Les données proviennent de l’Enquête sociale générale menée par Statistique Canada (ESG) (1986 à 2005) et de l’Enquête ontarienne sur l’emploi du temps et le bien-être des adolescents de 2003 (OATUS). Les relations entre l’utilisation du temps des adolescents et le bien-être émotionnel sont contrôlées pour l’âge, le sexe et les antécédents familiaux.
Résultats : Malgré l’élargissement de l’écart de communication et d’attitude entre les adolescents et les parents au cours des dernières décennies, la situation n’est pas irrémédiable. Les analyses des données d’OATUS suggèrent que les stratégies indirectes, soulignant l’importance des routines et des relations familiales, ont des impacts plus importants sur les performances scolaires et la qualité de vie des adolescents que les règles domestiques, les interventions verbales ou les contrôles comportementaux sporadiques.
Conclusions : La conservation de l’influence parentale sur les adolescents s’effectue peut-être davantage par « osmose » des valeurs et des habitudes. En effet, le partage des valeurs familiales, des activités communes et la capacité parentale à servir de modèle joue un rôle important dans l’influence des structures de motivation des adolescents.
Contribution : Les résultats de cette recherche appuient le fait que les performances scolaires et le bien-être émotionnel des adolescents sont fondés sur leurs routines comportementales et l’efficacité des interventions des parents.

Mots-clés: relation parent-enfant, adolescent, fossé générationnel, influence des pairs, emploi du temps, performance académique, bien-être

La gestion du temps à l’épreuve de la formation professionnelle initiale en Suisse : Le poids des dispositions héritées de la socialisation familiale
Guillaume Ruiz

Cadre de la recherche : A partir d’une recherche en cours sur les transformations des temporalités des jeunes en formation professionnelle initiale en Suisse, cette contribution aborde l’influence des dispositions découlant de la socialisation familiale en matière de gestion du temps lors de l’entrée en apprentissage et l’incidence de la socialisation professionnelle sur ces dispositions.

Objectifs : Deux hypothèses structurent l’article. La première postule que les dispositions temporelles acquises durant la socialisation familiale influencent activement la capacité à organiser son temps durant la formation tandis que la seconde soutient que la socialisation professionnelle initiale participe à les transformer.

Méthodologie : Méthodes mixtes articulant la passation d’un questionnaire (n =523) et 28 entretiens auprès de jeunes inscrits dans deux formations différentes : les médiamaticiens et les assistants en soins et santé communautaire.

Résultats : Selon l’origine sociale, le genre, le parcours scolaire ou encore le style éducatif des parents, les apprentis n’ont pas les mêmes ressources pour gérer leur temps lors de l’entrée en apprentissage. Par ailleurs, la socialisation professionnelle n’a qu’une incidence limitée sur les dispositions temporelles des apprentis. Elles sont davantage renforcées qu’infléchies, surtout pour ceux qui témoignent déjà de bonnes capacités organisationnelles.

Conclusion : Les dispositions temporelles héritées de la socialisation primaire affichent une grande résistance au changement et lorsque des transformations opèrent, c’est surtout en fin de formation.

Contribution : Cette contribution permet de mieux connaître la transmission de certaines dispositions temporelles dans le cadre familial, de mieux comprendre les enjeux auxquels les apprentis doivent faire face durant les premiers mois de leur formation professionnelle et d’apporter des éléments supplémentaires à la compréhension des temporalités des jeunes.

Mots-clés: temporalité, temps, adolescent, famille, formation, Suisse, genre

Apprendre l’usage du temps dans les familles cadres : Une enquête en immersion
Annabelle Ponsin

Cadre de la recherche : Les pratiques de gestion de parents cadres expriment la normativité des rationalités managériales. Celles-ci renvoie à des raisonnements gestionnaires transversales (sphères privées ou publiques, familiales ou professionnelles, de loisirs) qui dessinent des rapports à soi, aux autres, et au monde (Le Texier, 2016). L’articulation des temps quotidiens (Kaufmann, 1992) et des trajectoires de vie (Bessin 2009) permet de saisir les rapports de classe, d’âge et de genre (Le Feuvre, 2006) en jeu dans ces processus. Les normes temporelles y sont « bricolées » et continuellement rejouées (Canguilhem, 1943 ; De Certeau 1994).

Objectifs : J’observe la manière dont ces « temporalités managériales » sont modelées, intériorisées et transmises par les membres du couple (dans leurs vies professionnelles, parentales, conjugales), les enfants (dans leur socialisation, leur scolarité, leur mobilité) et les collectifs familiaux (dans leurs modes de gestion quotidienne).

Méthodologie : L’approche qualitative s’amorce par une immersion. En tant que baby-sitter, je remplis un triple rôle : fonctionnel (pour coordonner les activités), éducatif (pour socialiser les enfants à l’enchainement de ces activités) et affectif (pour temporiser les cadences de ces rythmes). Cette immersion se complète par un dispositif d’entretiens et de carnets de bord personnalisés.

Résultats : Ces foyers sont des interfaces, semi-ouvertes, de flux. La place que j’y prends est charnière pour comprendre le rôle nodal des mères et des normes éducatives dans la production, la diffusion, l’intériorisation et l’invisibilisation des normes temporelles.

Conclusion : Les « modalités de construction » de ces temporalités (Elias, 1997) informent des normativités managériales qui se logent dans nos modes d’être et nos co-constructions intimes.

Contribution : L’immersion dans ces territoires temporels, que j’apprivoise, est une clef pour saisir ces processus en leur cœur. Par un retour réflexif sur ma pratique itérative, cet article souligne les co-constructions familiales de normes temporelles managériales.

Mots-clés: rationalité, ethos, temps, émotion, charge mentale, couple, double carrière, norme, éducation, classe sociale, recherche qualitative

Les cheffes d’entreprise et jeunes entrepreneures de Lomé (Togo) : des « superwomen » de la double journée de travail professionnel et domestique ?
Charlotte Vampo

Cadre de la recherche : Le Togo, pays à forte tradition commerciale, présente un taux élevé d’activité des femmes. Celles-ci sont encouragées à entreprendre et disposent librement de leurs revenus. Parallèlement, elles ont la charge quasi intégrale du travail domestique. Si la plupart d’entre elles sont cantonnées aux activités informelles, certaines cheffes d’entreprise ont réussi à se faire une place dans la capitale dans des secteurs émergents de l’économie formelle. L’enquête porte sur ces archétypes de l’émancipation féminine par le travail, qui ont fait des études supérieures et qui sont dans des associations qui promeuvent l’entrepreneuriat des femmes et leur empowerment.

Objectifs : Cet article explore la manière dont elles adhèrent à la division sexuelle du travail (DST) traditionnelle. Il questionne les ressources dont elles disposent pour gérer leur quotidien entre contraintes familiales et obligations professionnelles dans le but de discuter les reconfigurations dans les rôles genrés.

Méthodologie : Pour ce faire, la réflexion s’appuie sur des terrains ethnographiques réalisés à Lomé au cours des cinq dernières années. Une micro-analyse des rapports de genre est privilégiée dans le souci d’appréhender les itinéraires de réussite des entrepreneures dans une approche relationnelle. Le matériel empirique se compose d’entretiens, d’observations en entreprises et en dehors de celles-ci, de discussions informelles et d’un questionnaire sur la répartition des dépenses et des tâches au quotidien.

Résultats : Les résultats indiquent que la conciliation travail professionnel-travail domestique est considérée comme un devoir de femme mariée. La principale ressource dont disposent ces femmes pour s’organiser est le transfert des charges domestiques sur d’autres femmes autant au domicile que dans l’entreprise.

Conclusions : L’adhésion à la DST est déterminée par la place occupée par le mariage dans la réussite et par des enjeux de reconnaissance sociale associés au rôle reproducteur des femmes. Les cheffes d’entreprise de Lomé ne pourraient pas être les superwomen qu’elles essayent d’être sans le recours à d’autres femmes.

Contribution : L’accès des femmes à des postes à fortes responsabilités ne modifie pas complètement les rôles de genre si l’on se penche spécifiquement sur la division sexuelle du travail. La reconfiguration des rapports de genre est partiellement dépendante de l’empowerment économique des femmes. Toutefois, la négociation sociale du statut de cheffe d’entreprise se fait dans la transgression des normes de genre mais surtout dans la perpétuation d’un ordre inégalitaire de genre qui accompagne paradoxalement les changements. Cet article nous invite à reconsidérer l’empowerment comme un processus socio-politique à la fois individuel et collectif.

Mots-clés: activité professionnelle, Afrique, couple, division sexuelle du travail, empowerment, femme, entrepreneuriat, genre, Togo

L’expérience des femmes quadragénaires en AMP : les seuils de la temporalité procréative, de la fertilité et de l’infertilité en question
Manon Vialle

Cadre de la recherche : Le recul de l’âge à la première maternité dans les sociétés euro-américaines conduit de plus en plus de femmes à se tourner vers l’assistance médicale à la procréation (AMP) en raison d’une infertilité liée à l’altération « naturelle » de leur réserve ovarienne. En France, elles sont prises en charge en insémination ou fécondation in vitro intraconjugale jusqu’à 43 ans, mais le recours à l’autoconservation ou au don d’ovocytes pour pallier cette infertilité considérée comme non « pathologique », ne leur est pas permis. De ce fait, dès lors que l’altération de leur réserve ovarienne est trop importante, leur prise en charge est arrêtée.

Objectifs : Dans ce contexte, cet article propose de questionner les seuils de la temporalité procréative, de la fertilité et de l’infertilité féminine tels qu’envisagés par le modèle bioéthique français de l’AMP, en particulier la façon dont l’infertilité – en tant que phénomène biologique « normal » ou « pathologique » – est appréhendée pour penser le seuil du permis et de l’interdit en France.

Méthodologie : Nous nous appuyons pour cela sur une étude des expériences et vécus de femmes quadragénaires en AMP à partir d’une enquête sociologique par entretiens qualitatifs réalisée auprès de 23 femmes âgées de plus de 40 ans, confrontées à une altération de leur réserve ovarienne et prises en charge au sein de deux centres d’AMP marseillais.

Résultats : L’enquête permet de préciser les profils et trajectoires biographiques des femmes de plus de 40 ans en AMP, ainsi que leurs vécus de l’infertilité liée à l’âge. Une diversité de raisons expliquant la temporalité de leur projet parental apparaît, liée aux injonctions de la « norme procréative » comme aux évolutions sociodémographiques conduisant au rajeunissement des classes d’âge. Dans ce contexte, la découverte de leur infertilité attribuée au vieillissement fait l’objet d’une surprise, elle apparaît en écart profond avec leur « sentiment de jeunesse », tant sur le plan physiologique, psychologique que social.

Conclusions : Nous montrons que les trajectoires et expériences de l’infertilité liée à l’âge dont témoignent les femmes interrogées mènent à appréhender autrement les seuils de la temporalité procréative par-delà la seule dimension biologique représentée en AMP par la capacité ovarienne, et à prendre plus largement en compte le corps dans son ensemble, ainsi que les dimensions sociales, relationnelles et temporelles de l’infertilité.

Contribution : La recherche présentée dans cet article permet de mettre à distance la façon dont la notion même d’infertilité est appréhendée par le cadre légal, médical et plus largement social. Loin d’apparaître comme un fait figé et strictement biologique, l’étude des pratiques dévoile ici la complexité de cette notion et remet en question les oppositions normal/pathologique et social/biologique dans la façon d’appréhender l’infertilité en France.

Mots-clés: maternité, âge, temporalité, norme, procréation assistée, infertilité

Bifurcations conjugales, remises en couple et place de l’enfant : donner du temps au temps, pour inventer d’autres configurations familiales
Catherine Négroni

Cadre de la recherche : De nombreux travaux se sont intéressés à la complexité des familles recomposées ; cependant, on compte moins de recherches qualitatives sur les bifurcations conjugales et les configurations familiales post-rupture visant à éclairer l’incidence des enfants dans la remise en couple des parents.

Objectifs : Le présent article interroge les temporalités recomposées et, plus particulièrement, les temps synchrones et asynchrones des rôles parentaux et conjugaux, comment la famille se défait et se recompose à travers le rôle et la place de l’enfant dans les remises en couples.

Méthodologie : L’enquête qualitative a été réalisée dans une ville moyenne de France, auprès d’hommes et de femmes en situation de post-rupture. Nous avons recueilli trente récits de vie, soit seize récits de femmes, onze récits d’hommes et trois entretiens de personnes en couple homoparental.

Résultats : Nos principaux résultats font état de parcours de remise en couple assez différenciés, en regard du capital économique et social acquis, de la catégorie socio-professionnelle, du genre, mais aussi en fonction de la place et de l’âge des enfants. Les remises en couple sont genrées. Les temps de remise en couple sont plus longs pour les femmes lorsqu’elles ont la garde principale des enfants. L’âge à la séparation est apparu déterminant dans les parcours de remise en couple des femmes.

Conclusions : Ce travail questionne la parentalité en regard de la remise en couple : comment le couple parental continue-t-il d’exister en dépit de la cessation du couple conjugal ?

Contribution : Dans une approche qualitative, cette étude analyse les reconfigurations familiales post-rupture et montre que la parentalité vient entrechoquer la conjugalité dans des configurations familiales constamment renégociées.

Mots-clés: famille recomposée, enfant, conjugalité, parentalité, genre, configuration familiale, séparation

La mise à l’épreuve des cadres temporels de la recomposition familiale : les effets de la naissance d’un enfant commun en famille recomposée
Justine Vincent

Cadre de la recherche : Cet article s’appuie sur une recherche sociologique portant sur les naissances en familles recomposée. Il prend pour point de départ la tension à laquelle sont confrontées ces familles, qui doivent composer avec la recherche d’un recommencement pour le nouveau couple et la prégnance d’un passé non partagé, que les enfants des précédentes unions incarnent symboliquement et physiquement.

Objectifs : La question du temps est essentielle pour comprendre ce qui se joue dans le processus de recomposition familiale et se pose avec d’autant plus acuité qu’elle met en jeu la définition des liens de parenté. Un projet d’enfant commun semble marquer le point d’orgue de ce souhait de nouveau départ et contribuer à écrire une histoire commune pour les protagonistes de la recomposition familiale.

Méthodologie : A partir d’entretiens menés en France auprès de 7 hommes et 9 femmes à la tête d’une famille recomposée et ayant eu avec leur conjoint actuel un nouvel enfant, nous souhaitons interroger l’effet de la naissance d’un enfant commun sur les cadres temporels de la recomposition familiale.

Résultats : Si la naissance d’un enfant commun forge un temps mémoriel à charge forte affective, et permet de projeter un maintien des liens quoiqu’il advienne du nouveau couple, elle confronte aussi les nouveaux parents à l’impossible jonction de leurs trajectoires antérieures distinctes. Cette désynchronisation pèse dans les négociations et distingue hommes et femmes, ainsi que déjà-parents et primo-parents. Par ailleurs, une fois l’enfant né, sa présence ininterrompue au sein du foyer recomposé face aux allées et venues des enfants issus d’une autre union, fait office de rappel de l’atypique de la situation familiale des protagonistes.

Conclusion : Un véritable agencement et un travail réflexif sont opérés pour rythmer au mieux la vie quotidienne du foyer recomposé, déjà confronté, à ses prémisses, à un cycle de vie familiale inhabituel.

Contribution : En filigrane, semblent émerger des normes de « bonne » temporalité de recomposition.

Mots-clés: famille recomposée, atypisme familial, parenté, parentalité, trajectoire sociale, couple, naissance


L’infidélité conjugale : individualisation de la vie privée et genre
Marie-Carmen Garcia

Cadre de la recherche : Cet article propose un approfondissement des thèses de l’individualisation de la vie privée comme explication de l’infidélité conjugale. Il propose une analyse tenant compte des milieux sociaux où se diffusent prioritairement les représentations du « soi authentique » (les classes intermédiaires-supérieures ») et du genre.

Objectifs : L’objectif principal de ce texte est de montrer que l’individualisation de la vie privée et le modèle de l’amour romantique trament les doubles vies, mais que celles-ci prennent appui sur un modèle familial traditionnel porté par les hommes.

Méthodologie : Nous avons réalisé trente-neuf entretiens biographiques enregistrés d’une durée de trois à six heures. Nous avons retenu des personnes qui ont ou ont eu une relation extraconjugale de plus de deux ans, de manière régulière. Une analyse de blogues a également été réalisée.

Résultats : Les logiques sociales de l’extraconjugalité se rapprochent de celles des séparations aux mêmes âges et dans les mêmes milieux sociaux. Cependant, les ressorts des parcours conjugaux caractérisés par une liaison clandestine durable sont singuliers en termes de genre.

Conclusions : La quête d’un « soi authentique » dans les relations clandestines existe chez les hommes et les femmes. En revanche, ces dernières adhèrent prioritairement au modèle contemporain de l’amour romantique alors que les hommes sont, eux, porteurs d’un modèle familial traditionnel qui suppose l’indissolubilité de la famille. Dans ces liaisons qui durent plusieurs années, les représentations des femmes tendent à se rapprocher de celles des hommes.

Contribution : Cet article contribue à un approfondissement des analyses – rares – de l’infidélité conjugale. Il montre que l’individualisation qui prévaut à la quête de « soi » dans un amour hors du couple officiel est genrée.

Mots-clés: extraconjugalité, individualisation, famille, genre

Personnes âgées atteintes de trouble neurocognitif : Vécu des proches aidants lorsque le besoin de protection juridique est envisagé
Dominique Giroux, Maude Carignan

Cadre de la recherche : Plusieurs études rapportent que le soutien aux aînés en perte d’autonomie est principalement assuré par les proches aidants. En présence d’une personne atteinte de trouble neurocognitif, le questionnement sur la sécurité et le besoin de protection survient fréquemment. Tout au long de l’évolution de la maladie, les proches aidants sont appelés à jouer divers rôles. Cela peut s’avérer difficile pour des personnes n’ayant pas toujours les connaissances requises pour ce faire.

Objectifs : Une étude a été réalisée afin de documenter les difficultés vécues par les proches aidants en présence d’un questionnement sur l’inaptitude ainsi que leurs attentes.

Méthodologie : Une étude qualitative comprenant cinq rencontres de groupes a été réalisée avec trois catégories de participants : 1) aînés ; 2) proches aidants ; 3) membres d’organismes de protection des droits des aînés.

Résultats : Les résultats mettent en lumière trois principales difficultés rencontrées : 1) fluctuation des symptômes ; 2) acceptation de la maladie et du rôle de proche aidant ; 3) augmentation du fardeau et du sentiment d’épuisement. Un élément important ressort aussi : les proches aidants se sentent insuffisamment informés pour assurer adéquatement leur rôle. Cette réalité influence le fardeau ressenti puisqu’ils se retrouvent souvent démunis face à une situation pour laquelle ils ne sont pas toujours bien préparés.

Conclusions : Les professionnels de la santé et des services sociaux doivent être sensibilisés à cette réalité, afin de mieux outiller les proches de personnes ayant reçu un diagnostic de trouble neurocognitif pour qu’ils puissent agir de façon plus proactive relativement à l’évolution de la maladie.

Contribution : À notre connaissance, aucune étude similaire n’a été réalisée auparavant.

Mots-clés: trouble neurocognitif, proches aidants, soin de santé, perceptions, évaluation

Etre un couple gay et adopter un enfant : l’expérience des parents homosexuels en Belgique
Roberta Messina, Salvatore D’Amore

Cadre de la recherche : La présente recherche vise à analyser l’expérience de l’adoption homoparentale en Belgique, en mettant en lumière les défis auxquels les homoparents sont confrontés tout au long du processus adoptif ainsi qu’après l’adoption. Les données présentées dans cet article font partie d’une étude cross-nationale plus large menée dans trois pays européens : la Belgique, la France et l’Espagne.
Objectifs : La présente étude vise à répondre aux questions de recherche suivantes :
1. Quels sont les principaux facteurs de stress rencontrés par les couples de même sexe pendant le processus d’adoption en Belgique ?
2. Quelles sont les difficultés et les besoins ressentis par ces parents après l’adoption ?
Méthodologie : L’échantillon se compose de 14 parents adoptifs homosexuels (soit 7 couples gays) résidants en Belgique. Avec chaque couple, nous avons mené des entretiens semi-structurés et vidéo-enregistrés à domicile. Les entretiens ont été entièrement retranscrits verbatim et analysés selon une approche thématique inductive.
Conclusions : Les résultats montrent que les adoptants homosexuels sont confrontés à des nombreux obstacles de nature institutionnelle, tels que le système de « quota gay », la grande quantité de refus des parents de naissance à confier leurs enfants à des couples de même sexe, ainsi que les attitudes « hétérosexistes » au sein des organismes d’adoption. En plus, les participants affirment ne pas se sentir convenablement accompagnés par les acteurs sociaux, dont le bagage théorico-expérientielle sur l’homoparentale serait, d’après eux, déficitaire.
Contribution : Les résultats de cette recherche mettent en lumière deux aspects fondamentaux. Premièrement, l’urgence d’adopter des mesures pour éviter toute forme de discrimination ; deuxièmement, la nécessité d’incrémenter la formation des travailleurs sociaux ainsi que d’adapter le processus d’adoption afin de mieux répondre aux exigences de ces nouvelles réalités familiales.

Mots-clés: adoption, couple de même sexe, stress, discrimination, parcours

Y avait-il un père ? Paternité et relations de couple dans les affaires de néonaticides
Laurence Simmat-Durand

Cadre de la recherche : Les affaires de néonaticide sont essentiellement connues au travers de la procédure judiciaire qui garde une approche très traditionnelle d’un crime exclusivement féminin et qui ne met en cause que la mère.

Objectifs : Le présent article s’attache à analyser ce qui est décrit de l’attitude du partenaire de la mère vis-à-vis de la paternité, et ce faisant les relations de couple qui y sont attachées.

Méthodologie : À partir de 2306 articles de presse décrivant 357 néonaticides suspectés en France de 1993 à 2012, une analyse thématique a été réalisée, utilisant toutes les mentions au père de l’enfant.

Résultats : Trois grandes tendances ont été mises en exergue : l’homme qui a conçu cet enfant, soit n’est pas envisagé dans ce rôle de père, car il est écarté de la paternité par la mère ou par la justice, soit ne veut pas être père, soit veut être père, mais en est empêché par la mère.

Conclusions : Contrairement à la littérature sur la parentalité aujourd’hui, les affaires de néonaticide mettent en scène une vision stéréotypée où la mère est seule à répondre du désir d’enfant. Ainsi, lors des poursuites judiciaires pour néonaticide, la présence du père est déniée, refusée, que le désir paternel existe ou non.

Contribution : Cet article fait le point sur l’existence donnée au père dans le contexte des poursuites judiciaires des mères à partir d’un corpus de presse concernant 141 mères ayant été poursuivies pour nénonaticide.

Mots-clés: néonaticide, partenaire, paternité, France




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