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No 19 - 2013

La migration des jeunes : quelles mobilités? Quels ancrages?
Sous la direction de Emmanuelle Maunaye




La migration des jeunes : quelles mobilités? Quels ancrages? La place des liens familiaux et des relations intergénérationnelles
Emmanuelle Maunaye

Aujourd’hui, la mobilité géographique est devenue une norme et fonctionne comme une véritable injonction. Dans notre monde multipolaire et étendu, le déplacement n’est plus seulement un droit mais bien souvent une véritable obligation. Pour les jeunes, la mobilité est présentée comme un atout qui permet de s’ouvrir au monde, de s’enrichir de nouvelles expériences, de se confronter à l’altérité et, au final, de construire son individualité. Concrètement, les pratiques de migration chez les jeunes sont statistiquement importantes et ont eu tendance à se développer ces dernières décennies. Dans ce contexte, la famille est un acteur et un enjeu importants de la migration des jeunes. Un acteur  car, par les ressources qu’elle peut transmettre (économiques, matérielles, affectives), elle soutient le cheminement des jeunes. Un enjeu aussi car la mobilité juvénile entraîne la séparation des générations. Celle-ci demande aussi un réajustement des relations intergénérationnelles et un réexamen, par les jeunes, du sens de lien familial et de leurs appartenances.

Mots-clés: migration, lien familial, relation intergénérationnelle, jeune, mobilité


Les fonctions socialisantes de la mobilité pour les adolescents de zones urbaines sensibles : différentes manières d’habiter un quartier ségrégué
Nicolas Oppenchaim

L’objectif de cet article est de mieux comprendre l’articulation entre l’ancrage résidentiel des adolescents habitant dans des quartiers ségrégués et leurs pratiques de mobilité dans la ville. Nous nous appuyons pour cela sur le cas des adolescents de catégories populaires et moyennes qui habitent dans des zones urbaines sensibles (ZUS) franciliennes. L’emploi de matériaux statistiques, ethnographiques et d’entretiens semi-directifs nous permet de montrer que les adolescents de ZUS ont un potentiel de mobilité inférieur à celui des autres adolescents, mais que vivre dans un quartier ségrégué ne signifie pas nécessairement une absence de fréquentation du reste de la ville.

Mots-clés: mobilité quotidienne, ancrage résidentiel, ségrégation, adolescent, zone urbaine sensible

Mobilités de formation et ancrage des étudiants dans les villes universitaires : exemple de la Bretagne (France)
Magali Hardouin, Bertrand Moro, Frédéric Leray

L’article apporte une contribution à l’analyse des processus de mobilité de formation et d’ancrage des étudiants dans les villes universitaires, dans la région Bretagne. À partir d’une méthodologie quantitative, nous réinterrogeons, d’une part, l’hypothèse selon laquelle les étudiants seraient de plus en plus mobiles et, d’autre part, nous nous intéressons à leurs ancrages dans la ville universitaire (pratiques résidentielles et de la ville elle-même). Notre population de référence est celle d’étudiants d’IUT (institut universitaire de technologie), de licence (L1, L2 et L3) et de master (M1 et M2) inscrits dans une université bretonne.

Mots-clés: étudiant, mobilité, pratique spatiale, décohabitation, enseignement supérieur

Rester ou partir pour s’en sortir : du rôle des soutiens rapprochés dans les expériences résidentielles des jeunes de classes populaires
Laurence Faure-Rouesnel, Éliane Le Dantec

Dans nos sociétés contemporaines, la mobilité est élevée au rang de qualité cardinale et, à l’inverse, l’ancrage renvoie au lexique négatif du manque de dynamisme. Les parcours des jeunes de milieux populaires que nous avons enquêtés par entretiens laissent distinctement entrevoir que la mobilité n’est pas une posture individuelle et sociale plus positive que l’ancrage. Les jeunes mobiles, à la différence des ancrés, sont plutôt en situation de rupture familiale et ne disposant pas de soutiens rapprochés sur lesquels s’appuyer, leurs pratiques de mobilité procèdent bien plus de contraintes que d’un choix construit et anticipé. Inversement, les jeunes de milieux populaires qui ne sont pas mobiles et prolongent la cohabitation au domicile parental sont en situation de pouvoir bénéficier des solidarités familiales qui leur permettent, faute d’accéder à l’indépendance économique et résidentielle par l’entrée dans l’activité professionnelle stable, d’attendre en étant sécurisés matériellement et affectivement. L’article souligne par ailleurs les ambivalences attachées tant aux pratiques de mobilité qu’à l’ancrage territorial.

Mots-clés: mobilité, ancrage résidentiel, jeune, classe populaire, décohabitation, cohabitation, famille

Partir à Londres… pour favoriser l’insertion professionnelle en France
Emmanuelle Santelli

Dans un contexte d’accroissement des migrations des Français vers Londres, cet article s’attache à comprendre les motivations de jeunes adultes français d’origine maghrébine qui entreprennent cette mobilité dans l’objectif de favoriser leur insertion professionnelle. Une partie de ces jeunes bénéficient en France d’un dispositif d’encouragement à la mobilité internationale. Initié par une mission locale qui accompagne ces jeunes tout au long de leur mobilité, ils sont accueillis par une structure française basée à Londres qui leur propose des annonces d’emploi et de logement. A partir de leur base de données, la première partie de l’article traite des caractéristiques des jeunes selon qu’ils partent dans le cadre d’un dispositif d’accompagnement à la mobilité, ou non. Les premiers subissent plus encore que les seconds une situation à l’égard de l’emploi marquée par la précarité. Ils ne se situent pas non plus au même stade de leur cycle de vie. Ensemble de résultats qui sont confortés et approfondis par l’analyse des entretiens biographiques réalisés avec des jeunes partis quelques mois à Londres. La seconde partie de l’article comporte trois sections reposant sur l’analyse du matériau qualitatif et permet d’aborder leurs motivations à partir, comment à travers cette expérience ils découvrent leur francité et un nouveau mode de vie. Procurant de nouvelles références, c’est tout le processus d’entrée dans la vie adulte qui s’en trouve affecté. Toutefois, cette mobilité est le plus souvent accomplie dans l’idée de favoriser leur insertion professionnelle en France. Loin d’engager une mobilité signe d’une prise de distance, elle marque au contraire leur souhait de partir « pour mieux revenir », car ils sont profondément attachés à leur région d’origine et aux liens familiaux.

Mots-clés: insertion professionnelle, dispositif d’accompagnement, jeune, seconde génération, motivation, descendant d’immigrés, mobilité

Migration pour études chez les cégépiens québécois : défis d’adaptation, désir d’autonomie et attachement parental
Éric Richard, Julie Mareschal

Ce texte porte sur la migration pour études chez les cégépiens québécois. Il veut cerner le rôle que jouent la famille et le milieu d’origine tout au long du processus migratoire marqué par une quadruple adaptation : à un nouveau régime scolaire, à la vie hors du foyer parental, à la vie urbaine et à un réseau social en mouvance. Pour ces jeunes confrontés à de nouveaux défis d’adaptation caractérisés par un désir évident d’autonomie, la famille et la région d’origine demeurent un lieu d’ancrage exerçant un rôle d’une importance incontestable. Pour bien comprendre le phénomène, il est nécessaire de cerner le parcours migratoire de ces jeunes en s’attardant, plus particulièrement, à la transformation de leur réseau social ainsi qu’à l’articulation des rapports entre leur région d’origine et leur territoire d’accueil. On constate alors que la mobilité est partie intégrante du rythme de vie des jeunes migrants pour études. Pour eux, cette mobilité s’inscrit dans un processus de socialisation, voire un rite de passage à la vie d’adulte au moment d’entreprendre des études supérieures. La rupture spatiale avec leur famille et leur milieu d’origine les confrontent aux préoccupations et responsabilités de la vie d’adulte, et donc au développement de l’autonomie. Force est de constater que leur identification et leur attachement aux territoires, bien qu’ils auront des effets permanents sur leur vie, ne sont pas définitifs, ce qui les amène à développer des ancrages socioaffectifs multiples, temporaires et labiles.

Mots-clés: migration, adaptation scolaire, études collégiales, jeune, études

Identité, fratrie et immigration : étude exploratoire sur les contributions des relations fraternelles à la construction identitaire de jeunes adultes immigrants au Québec
Rébecca Ganem, Ghayda Hassan

La construction identitaire est un processus complexe qui se situe au croisement de la dimension synchronique du sujet qui entre en relation dans le présent (affiliation) et de la dimension diachronique qui inscrit le sujet dans une historicité (filiation). Au-delà des relations verticales aux parents et aux grands-parents, l’identité se bâtit également à partir des relations horizontales. Il existe chez les frères et sœurs une identité commune, partagée et, en parallèle, chaque membre de la fratrie tend à se différencier des autres. Or le mouvement migratoire s’accompagne cependant souvent, pour le sujet, d’une rupture des processus de transmission et d’un remaniement des identifications. Nous posons donc les questions suivantes : Comment le processus migratoire vient-il réaménager les liens familiaux et en particulier les liens fraternels? Les liens fraternels peuvent-ils servir de support à la négociation identitaire et à l’intégration du sujet migrant? Si oui, sous quelles formes? Cette recherche porte ainsi sur la construction de l’identité de jeunes adultes immigrants au Québec. Plus précisément, nous nous intéressons aux enjeux et aux processus impliqués dans la construction identitaire, en lien avec les relations fraternelles d’une part, et avec le processus migratoire d’autre part. Il s’agit d’une méthodologie qualitative à l’aide de laquelle nous avons conduit des entrevues avec sept adultes (trois entrevues chacun) afin d’explorer avec eux l’évolution de leurs relations familiales et fraternelles ainsi que leur expérience interculturelle. La première phase d’analyse des résultats est achevée et révèle que les frères et sœurs peuvent représenter à la fois une figure de continuité coexistant avec le déracinement provoqué par l’immigration, contribuer à la création de nouveaux liens d’affiliation dans la société d’accueil et participer à la renégociation identitaire du sujet.

Mots-clés: construction identitaire, relations fraternelles, immigration, famille, recherche qualitative

« J’habite… enfin…, je me comprends » : l’appropriation territoriale des adolescents placés en question
Fleur Guy

Le rapport à l’espace des adolescents, et plus particulièrement leur mobilité, est souvent appréhendé à travers le prisme de la famille et d’un lieu de résidence unique. Pourtant, certains individus vivent dès l’adolescence des situations de multirésidentialité, en lien notamment avec une prise en charge fondée sur le déplacement géographique. L’analyse des situations résidentielles des enfants placés montre une diversité de configurations, impliquant les parents, mais aussi la famille élargie et l’entourage. L’appropriation territoriale des adolescents intègre alors de multiples espaces : entre le domicile familial et le lieu de placement apparaissent des espaces tiers, révélateurs d’un rapport affectif au territoire.

Mots-clés: placement, adolescent, représentation spatiale, appropriation territoriale

Vivre loin de ses parents quand on est un jeune adulte : quel effet sur le lien de confidence?
Gil Viry, Éva Nada

Dans cet article, nous analysons dans quelle mesure les jeunes adultes mentionnent moins leurs parents comme des partenaires importants de discussion lorsqu’ils vivent éloignés d’eux. À partir d’un échantillon représentatif des jeunes de 18 à 34 ans vivant en Suisse, nous montrons que, d’une manière générale, les jeunes vivant à distance de leurs parents ne sont pas moins nombreux à partager un lien de confidence avec eux. Toutefois, le lien avec les parents est particulièrement sensible à la distance dans le cas des jeunes femmes ayant elles-mêmes des enfants. Pour une jeune femme, avoir un enfant augmente les chances de citer sa mère ou son père comme confidents en situation de proximité géographique et les diminue en cas d’éloignement. De plus, les jeunes mères éloignées de leur milieu d’origine ne trouvent pas ailleurs le soutien affectif qu’elles trouvent habituellement dans la proximité spatiale avec leurs parents. Associée à certains évènements familiaux, la distance géographique contribue dès lors à reconfigurer les dynamiques relationnelles et à renforcer les inégalités de genre au sein des familles. Plus généralement, ces résultats soulignent l’importance d’accorder davantage d’attention à la mobilité et à la distance géographique dans les recherches sur la famille et les relations intergénérationnelles.

Mots-clés: distance, lien familial, jeunesse, décohabitation, soutien

Ancrage et mobilité de familles d'origine africaine : regards croisés de deux générations
Sabrina Aouici, Rémi Gallou

L’article propose d’étudier l’évolution des relations au sein de familles d’origine subsaharienne vivant en France, à partir de l’interrogation de deux générations adultes (parents et enfants jeunes adultes). La double référence des pays d’attache en matière de pratiques, de valeurs, de normes ou de principes éducatifs est permanente. Enfants et parents apportent leurs regards croisés sur le parcours, l’histoire et le destin de chacun. La construction d’identités individuelles marquées par des références multiples diffère selon la génération d’appartenance. Les parents migrants restent attachés à leur identité africaine (ethnique, nationale, panafricaine, voire transnationale) tout en reconnaissant que leur identité a intégré une « part » française. Les jeunes en revanche déclarent se sentir citoyens français et souhaiteraient être reconnus comme tels. Les deux générations affirment se sentir à l’aise en France. Si les jeunes expriment un intérêt pour l’Afrique, preuve de leur attachement pour les terres d’origine, ils ne sont pas pour autant tentés d’y vivre. Quant aux parents, ils hésitent sur le lieu de leur « dernière demeure », entre reposer dans la terre des ancêtres ou être inhumés en France pour rester proches de la lignée qu’ils y ont fondée. La réflexion s’appuie sur une soixantaine d’entretiens réalisés auprès de parents migrants (socialisés en Afrique) et de leurs enfants (nés ou arrivés jeunes en France).

Mots-clés: sociologie, immigration, relation intergénérationnelle, construction identitaire, approche qualitative


Enrôlement sanitaire et subjectivation de la maternité en milieu populaire dans le Nordeste brésilien : le « rôle maternel incarné »
Alfonsina Faya Robles

Depuis deux décennies, le développement tentaculaire du système public de santé brésilien entraîne de nouvelles pratiques et de nouvelles formes de participation sociale chez les femmes des couches populaires. Ainsi, l’expérience maternelle en milieu populaire dans le Nordeste brésilien se construit de plus en plus à travers des dispositifs de santé publique. Les femmes sont appelées à participer en tant qu’agentes du changement et à jouer un « rôle » sanitaire envers leurs enfants. Dans ces dispositifs sanitaires, les corps des femmes pauvres deviennent la cible des régulations dans la recherche de résultats sanitaires. Ce développement de la santé publique a entraîné de nouvelles contraintes corporelles et de nouveaux modes de légitimation de l’intervention médicale, mais il a aussi créé un espace permettant l’émergence de nouvelles subjectivités maternelles.

Mots-clés: maternité, régulation, dispositif sanitaire, subjectivation, Brésil




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