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La plainte de discrimination devant le Tribunal canadien des droits de la personne portant sur les services d’aide à l’enfance aux enfants des Premières Nations et le Principe de Jordan

Anne Levesque, Sarah Clarke, Cindy Blackstock

Il y a aujourd’hui plus d’enfants des Premières Nations placés en famille d’accueil qu’il y a jamais eu d’élèves autochtones fréquentant les pensionnats. Il est de plus en plus évident que ce problème est causé par les structures de financement inéquitables et déficientes du gouvernement fédéral pour les services d’aide à l’enfance. En 2007, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada (la Société de soutien) et l’Assemblée des Premières Nations (APN) ont déposé une plainte qui mettait de l’avant deux allégations de discrimination. La première allégation portait sur les conflits de compétence entre les gouvernements fédéral et provinciaux, qui font en sorte que les enfants des Premières Nations sont souvent laissés en attente de services dont ils ont désespérément besoin ou se voient même refuser des services qui sont offerts aux autres enfants. La deuxième allégation de discrimination concernait le traitement défavorable de 163 000 enfants des Premières Nations dans le cadre du système de protection de l’enfance offert sur les réserves. Dans les deux cas, il était allégué que ces traitements constituaient des actes discriminatoires prohibés par la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Au cours des six années suivantes, le gouvernement canadien a dépensé des millions de dollars dans une multitude de tentatives infructueuses pour faire avorter la poursuite. L’audience a néanmoins commencé en février 2013 devant le Tribunal des droits de la personne (TCDP). Pour la première fois dans l’histoire du Canada, la responsabilité du gouvernement fédéral quant à des allégations de discrimination envers les enfants des Premières Nations a été évaluée par un organisme pouvant rendre des décisions judiciairement contraignantes et des ordonnances réparatrices. Au cours de l’année suivante, le Tribunal a entendu plus de 25 témoins et a examiné plus de 500 documents mis en preuve. Les documents internes fédéraux déposés ont révélé une discrimination constante et systématique envers les enfants des Premières Nations ainsi que l’échec du gouvernement fédéral à résoudre le problème même si les solutions étaient connues. Alors même que le procès se déroulait devant le Tribunal, plusieurs auteurs de doctrine et membres des Premières Nations établissaient un parallèle entre la réaction du gouvernement fédéral dans ce dossier et d’autres cas de discrimination quant à l’accès à des services tels que l’éducation, la police, la santé et le logement dans les communautés autochtones. Cet article est écrit du point de vue des trois auteures, qui étaient étroitement impliquées dans la cause, deux à titre d’avocates et l’autre à titre de témoin et plaignante. Il offre d’abord une vue d’ensemble des principales questions juridiques soulevées par ce dossier avant d’analyser la preuve documentaire et testimoniale. La nécessité de redresser la situation dans d’autres sphères de services gouvernementaux pour les Premières Nations sera aussi abordée.




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