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No 31 - 2018

Que font les familles à l'ère du numérique? Technologies socionumériques et liens familiaux, conjugaux et intergénérationnels
Sous la direction de Sylvie Jochems, Claire Balleys, Olivier Martin




Familles contemporaines et pratiques numériques : quels ajustements pour quelles normes ?
Claire Balleys, Olivier Martin, Sylvie Jochems

Cadre de la recherche : Le savoir sociologique sur l’articulation entre pratiques numériques et vie familiale reste encore peu développé. C’est dans ce contexte que ce dossier et cet article introductif abordent les négociations conjugales et le lien parent/enfant qui sont transformés par ces pratiques numériques, les formes de surveillance médiées par ces technologies ou au contraire les nouvelles formes d’acquisition de l’autonomie, l’équilibre entre socialisation par les pairs et socialisation familiale ainsi que la relation entre usages de ces technologies et rôles sexués au sein des couples et des familles.

Objectifs : Cet article introductif au dossier thématique vise à présenter l’état des recherches actuelles et à problématiser le corpus d’articles sélectionnés.

Méthodologie : Grâce à une revue de la littérature, nous situons ce dossier spécial dans le contexte général des publications consacrées, depuis près de vingt ans, aux thématiques à l’interface des travaux sur la famille et des travaux sur les techniques de communications et l’internet.

Résultats : Dans la première section, nous constatons qu’il s’agit d’un domaine de recherche à développer. Dans les sections suivantes, nous relevons que les contributions de ce numéro thématique ont amplement montré que les pratiques numériques des familles sont le reflet des normes sociales en vigueur, mais aussi des tensions parfois portées par ces normes. Si le constat n’est en soi pas nouveau (Pasquier, 2018), il est affiné par la multiplicité des acteurs, des discours et des méthodes d’enquête.

Conclusions : Au terme du processus d’évaluation et de sélection des articles, ce dossier thématique se pose davantage comme porte-voix de sociologues marqués par un programme relationniste et un langage constructiviste. Ces articles traitent de fait d’intimité et s’inscrivent dans une sociologie du quotidien située au plus près des pratiques ordinaires. Les analyses à connotation déterministes technologiques (Jauréguiberry et Proulx, 2011) y sont de facto moins représentées. Il reste encore beaucoup de chantiers pour les acteurs et actrices de la recherche que toutes ces questions stimulent, et l’évolution des pratiques comme des techniques assurent que ces questions ne seront jamais épuisées.

Contribution : Ce dossier thématique participe à cette conversation entre sociologies de l’individu face aux normes, où, pour les uns, l’individu est gouverné par les normes (structuralisme), et pour les autres, l’individu négocie et co-construit les normes de ces “bons usages” (pragmatisme, interactionnisme). De plus, cet article d’introduction au dossier thématique est une brève mais nécessaire archéologie des savoirs sociologiques et francophones sur les familles à l’ère numérique – manière de rappeler l’idée foucaldienne selon laquelle les corpus scientifiques, construits autour d’un objet de recherche, ne sont pas neutres.

Mots-clés: jeune, famille, pratiques numériques, écrans connectés, technologie de la communication, socialisation, adolescent, fractures numérique et sociale, norme


Le «divertissement connecté» au sein du foyer : une enquête auprès des jeunes Québécois
Florence Millerand, Christine Thoër, Nina Duque, Joseph Josy Lévy

Cadre de la recherche : Internet constitue un mode d’accès aux contenus de divertissement audiovisuels (films, séries, vidéos YouTube, etc.) de plus en plus populaire, notamment chez les jeunes.

Objectifs : Cet article présente les résultats d’une recherche sur les pratiques de visionnement en ligne de contenus audiovisuels chez les jeunes Québécois de 12 à 25 ans, afin de comprendre comment ces pratiques s’articulent à la vie familiale.

Méthodologie : La stratégie méthodologique est de type mixte combinant des données qualitatives (14 groupes de discussion rassemblant 82 participants, 29 entrevues individuelles) et quantitatives (enquête par questionnaire auprès de 1504 jeunes Québécois âgés de 12 à 25 ans).

Résultats : Les résultats de la recherche révèlent une très forte individualisation dans les pratiques et une autonomie accrue des jeunes à l’égard des contenus regardés et des temps de visionnement. Les pratiques offrent des occasions de partage et d’expression des liens familiaux, allant jusqu’à participer à la formation de pratiques familiales spécifiques autour de rituels de visionnement.

Conclusions : Si la famille constitue le premier lieu de socialisation des jeunes à la télévision, elle joue également un rôle dans la formation des pratiques de visionnement des contenus audiovisuels sur Internet. En retour, ces pratiques numériques semblent contribuer encore davantage à l’acquisition de l’autonomie chez les jeunes, y compris chez les plus jeunes.

Contribution : En apportant de nouvelles connaissances sur le divertissement connecté chez les jeunes et sa place dans la vie familiale, l’article rend visible la pertinence sociale et scientifique des recherches sur les usages sociaux des technologies chez les jeunes.

Mots-clés: adolescent, jeunesse, famille, domicile, réseaux, socialisation, usages numériques, Internet, visionnement en ligne, divertissement connecté, lien familial, pratiques parentales

Dynamiques familiales autour des pratiques d’écrans des adolescents
Barbara Fontar, Agnès Grimault-Leprince, Mickaël Le Mentec

Cadre de la recherche : Cet article sur les dynamiques des relations entre parents et enfants au moment de l’adolescence s’inscrit dans la continuité des travaux en sociologie de l’éducation et en sociologie des pratiques culturelles, qui montrent comment, à l’adolescence, la relation parent-enfant est déstabilisée par de nouveaux modèles de référence portant sur le développement d’une culture juvénile.

Objectifs : Cet article propose d’étudier la manière dont les pratiques numériques sont intégrées et négociées en famille. Il analyse les modes de régulation parentale des pratiques adolescentes et examine comment ils s’articulent aux représentations des parents à l’égard des outils et des usages numériques.

Méthodologie : Ce travail articule un corpus d’entretiens menés auprès d’adolescents (n = 78) et de certains de leurs parents (n = 28), et 1043 réponses à deux questionnaires, un “enfant” et un “parent”.

Résultats : Les résultats montrent qu’il existe quatre principaux domaines de régulation parentale (les équipements, les temporalités, les spatialités et les contenus) dans lesquels différentes modalités s’exercent, relativement aux « objets » conflictuels et aux objectifs éducatifs familiaux.

Conclusions : Notre enquête révèle des ambivalences de la part des parents à l’égard des technologies numériques de l’information et de communication (TNIC). Elles se reflètent dans leurs régulations des pratiques numériques de leurs enfants adolescents, lesquelles sont socialement marquées.

Contribution : Cet article met en évidence la complexité des dynamiques familiales liées à la régulation des activités numériques adolescentes. La culture numérique des parents et leurs représentations des TNIC, évolutives dans le temps, viennent bousculer les schémas éducatifs familiaux classiques.

Mots-clés: adolescent, usages numériques, stratégie éducative parentale, dynamique familiale

« Attends, deux secondes, je lui réponds… » : enjeux et négociations au sein des familles autour des usages socionumériques adolescents
Nathalie Dupin

Cadre de la recherche : L’arrivée massive et rapide des technologies numériques mobiles a fait l’objet de nombreuses recherches ces dernières années, mais les usages socionumériques au sein des familles et les changements qu’ils suscitent dans les relations entre parents et adolescents sont peu connus et documentés.

Objectifs : Cet article vise à déterminer comment les usages adolescents des écrans, et notamment des téléphones portables, se négocient et s’intègrent au sein des familles.

Méthodologie : L’étude est qualitative et s’appuie d’une part sur des entretiens individuels menés auprès d’une cinquantaine de lycéens scolarisés en milieu urbain et rural, issus de familles appartenant aux classes populaires, moyennes et favorisées. Quelques entretiens auprès de collégiens et de parents d’adolescents complètent la recherche. L’étude s’appuie d’autre part sur une observation participante à une ligne d’écoute nationale spécialisée dans la protection des mineurs sur Internet, Net Ecoute.

Résultats : L’âge d’obtention du premier téléphone portable ou du premier smartphone, les forfaits associés, les usages socionumériques et le temps passé devant les écrans sont l’objet des négociations parfois intenses au sein des familles, même si elles ne sont pas un passage obligé. Des règles ou des limites de consommation d’écrans sont parfois posées par les parents, plus clairement et plus fréquemment en milieu urbain et dans les milieux socio-culturellement plus favorisés. Si les usages socionumériques peuvent dans certains cas renforcer les liens familiaux, de nombreux parents restent inquiets de voir l’équilibre de leur famille perturbé et mis en danger par les usages socionumériques et le temps passé devant les écrans par leurs enfants.

Conclusions : L’étude montre l’importance de considérer les usages socionumériques des adolescents dans les contextes et cadres familiaux, et non pas seulement d’une manière individuelle et isolée, voire en ne tenant compte que des sphères amicales et culturelles, car ils sont le reflet de l’environnement global de vie des adolescents.

Contribution : Cet article doit permettre de mieux comprendre la diversité des usages adolescents socionumériques et des négociations qui leur sont associées. Il apporte de nouvelles connaissances sur l’intégration des technologies socionumériques au sein des familles plus ou moins favorisées, vivant en milieu urbain ou rural.

Mots-clés: adolescent, technologies numériques, usages socionumériques, lien familial

Faire famille avec internet : Une enquête auprès de mères de milieux populaires
Bénédicte Havard Duclos, Dominique Pasquier

Cadre de la recherche : Depuis une dizaine d’années en France, les ménages dont le chef de famille est ouvrier et employé ont rattrapé leur retard de connexion internet à domicile.

Objectifs : L’intégration d’Internet dans ces ménages s’est-elle pour autant opérée de la même manière que dans les ménages de cadres et de professions intermédiaires qui se sont équipés plus précocement ? Y prend-il la même signification ? Quelles transformations l’arrivée d’Internet induit-il dans le cadre domestique et dans les dynamiques familiales ?

Méthodologie : L’article est fondé sur une enquête par entretiens semi-directifs (N =41), menée auprès de mères de famille travaillant dans le secteur des services à la personne et vivant en dehors des grandes agglomérations urbaines en France.

Résultats : L’enquête montre une tension importante. D’un côté les mères rencontrées ont la conviction qu’Internet est garant d’une meilleure réussite scolaire et professionnelle pour leurs enfants, ce qui génère un véritable « devoir de connexion » au nom de la modernité et de la conformité sociale. De l’autre, elles constatent que l’outil est chronophage et perturbe la vie collective familiale aussi bien dans les relations de couple qu’entre parents et enfants. N’ayant pas de modèle de régulation à la génération précédente, elles bricolent des tactiques quotidiennes pour limiter le potentiel d’individualisation des outils en instaurant un principe de transparence des pratiques et en encourageant les usages en co-présence.

Conclusions : La régulation d’internet dans cette fraction non précaire des classes populaires est un modèle qui se cherche et reste fondé sur des tâtonnements et des compromis. Toutefois la priorité donnée aux liens familiaux semble être un enjeu fort des arbitrages : les discours continuent à valoriser avec une grande constance le « nous » familial, exprimant sinon une réalité, du moins une aspiration forte.

Contribution : Cette recherche met en valeur les spécificités des modes de régulation familiale d’internet dans les fractions stables des classes populaires. Elle s’intéresse aussi aux régulations dans le couple, rarement étudiées dans la littérature existante.

Mots-clés: sociologie, Internet, norme, pratiques parentales, éducation, couple, classe populaire, recherche qualitative

Les forums de discussions sur les prénoms d’enfants : entre prescriptions et normativités
Laurence Charton, Catherine de Pierrepont

Cadre de la recherche : Internet, et notamment les forums de discussion, constitue pour certaines futures mères un média important au moment où elles doivent choisir un prénom pour leur enfant.

Objectifs : Cet article examine les préoccupations et les principaux critères mis en avant au moment du choix d’un prénom pour un nouveau-né et la manière dont les échanges entre internautes s’opèrent sur ces forums.

Méthodologie : Le corpus étudié est composé des écrits (soit 722 pages en format Word) de 198 internautes ayant posté, entre septembre 2015 et décembre 2016, un message sur l’un des 22 forums francophones de discussions sélectionnés sur le site « Doctissimo », section « Grossesse Bébé », et sous-section « Prénoms ». Le contenu de ces forums a été analysé selon la méthode de l’Écuyer (1990).

Résultats : Bien que le choix d’un prénom soit désormais plus une affaire de couples que de lignée(s) familiale(s), la recherche d’un prénom est encore le plus souvent une « affaire de femmes », confirmée par un usage genré des forums Internet sur les prénoms, et par l’importance accordée aux distinctions de genre et de classe telles qu’observées à travers les prescriptions partagées sur les forums. Ces dernières sont regroupées en trois catégories de critères. D’abord, des critères soulignent l’importance d’un prénom « original », mais « non inventé ». Ensuite, des critères font référence à une appartenance ou une identité sociale. Enfin, des critères mettent en avant un projet parental. Ces critères se déploient par ailleurs à travers neuf types d’échanges (interactions) entre les internautes.

Conclusions : Les forums de discussion sur les prénoms offrent aux femmes aux prises avec des questionnements sur la prénomination de trouver des avis, des conseils et du soutien, et pour les futures mères, de s’inscrire dans un processus de maternité/parentalité. À travers les critères énoncés de choix de prénoms et des rôles assignés à chaque futur parent, le contenu de ces forums met aussi en évidence des rapports sociaux de genre et de classe.

Contribution : Cette étude exploratoire souligne certaines limites à la liberté de prénommer son enfant. Si les futurs parents peuvent choisir le prénom de leur enfant en dehors de l’influence de leur famille, de leurs proches et de directives institutionnelles, prénommer reste un acte sous influence, fortement normé.

Mots-clés: prénomination, forum de discussion, grossesse, processus d’individualisation, Internet, parentalité, genre, norme, analyse de contenu

Les mères célèbres sur Instagram : ce que nous révèlent leurs mises en scène de l’allaitement
Chantal Bayard

Cadre de la recherche : Ces dernières années, les mises en scène de l’allaitement se sont multipliées sur les réseaux sociaux (RS). Ayant d’abord fait l’objet de censure, ces images sont aujourd’hui autorisées sur les plateformes comme Facebook et Instagram. Ce n’est que récemment que les célébrités ont emboîté le pas aux mères non célèbres en publiant des photographies d’allaitement sur les RS. La popularité de ces femmes a notamment contribué à décupler la visibilité de l’allaitement dans l’espace public, une pratique encore critiquée et perçue comme relevant du domaine privé.

Objectif : Dans cet article, nous cherchons à mieux cerner le phénomène peu étudié des célébrités qui publient des photographies d’allaitement sur le réseau social Instagram.

Méthodologie : Pour ce faire, nous avons procédé à l’analyse qualitative de 50 photographies d’allaitement publiées entre les mois de janvier 2014 et août 2016 sur les comptes Instagram publics et vérifiés de 13 célébrités exerçant les professions de mannequin, d’actrice, de chanteuse et d’animatrice de télévision.

Résultats : Notre recherche a démontré que les photographies d’allaitement relayées par les célébrités sur Instagram servent de multiples intérêts. Elles permettent à ces femmes d’inscrire leur maternité dans leur trajectoire familiale et professionnelle, tout en revêtant un caractère publicitaire et en participant au développement de leur marque. Ces images participent également à la construction du discours social en faveur de l’allaitement dans l’espace public. Enfin, les images publiées par les célébrités sur Instagram présentent une forme de maternité idéalisée.

Conclusions : Les photographies d’allaitement des célébrités mettent en scène des mères « performantes » qui allaitent leur enfant sans difficulté, qui semblent concilier aisément travail et allaitement, en maintenant une apparence physique soignée et un corps postnatal « discipliné ». Sur Instagram, ces femmes proposent une façon idéalisée d’être mère, peu accessible à la majorité des femmes qui consomment leurs images.

Contributions : Notre travail de recherche permet d’appréhender la contribution des célébrités à la construction des normes en matière d’allaitement et de maternité.

Mots-clés: allaitement, célébrité, brelfie, photographies, Instagram, réseaux sociaux

Enfants placés et familles connectées: Approche socio-juridique de la correspondance familiale numérique
Émilie Potin, Gaël Henaff, Hélène Trellu, François Sorin

Cadre de la recherche : Les usages socio-numériques contribuent à diversifier les modalités concrètes d’expression des liens familiaux notamment lors des réaménagements, tels que le placement ou les changements de lieux de vie (Pharabod, 2004) en activant, au travers des différents supports technologiques, la relation mise à distance par l’éloignement géographique (Douarin et Caradec, 2010). Dès lors, il s’agit d’appréhender les modes d’organisation de la correspondance familiale numérique à partir des situations de placement et la manière dont ces échanges structurent les liens familiaux.

Objectifs : Dans le cadre des mesures de placement au titre de l’assistance éducative (art. 375 du code civil français), le régime de protection prévoit un aménagement des liens familiaux sans tenir compte des espaces socio-numériques. L’enjeu est donc d’observer comment les acteurs familiaux s’approprient ou pas cet espace faiblement régulé pour renforcer leurs liens ou, au contraire, maintenir une certaine distance. Avec un point de vue socio-juridique, les usages numériques des familles sont mis en perspective des droits et obligations familiales, des mineurs et de leurs parents.

Méthodologie : Le travail d’enquête et de terrain s’est construit sur deux axes complémentaires : 1/ identifier les modalités de la correspondance familiale numérique par des entretiens semi-directifs menés auprès de 18 jeunes placés âgés de 14 à 18 ans et de 6 parents, 2/ saisir les logiques de régulation dans le cadre contraint de la mesure de protection par des entretiens réalisés auprès de 75 professionnels : assistants familiaux, référents ASE, éducateurs, cadres ASE et juges des enfants.

Résultats : Notre recherche met en évidence les formes de négociation qui s’opèrent dans la gestion émotionnelle et morale des polymédias (Madianou, 2014) pour construire ou déplacer les espaces d’autonomie et les rôles familiaux. Elle présente également les différentes formes de configurations relationnelles dans la fratrie et dans la famille au regard des expériences des acteurs familiaux pendant la mesure de placement.

Conclusions : Sans présager de l’intensité des liens construits, les médias socionumériques contribuent au maintien des liens familiaux. Les modalités de cette connexion à distance et les manières de faire famille sont à la fois fonction des expériences passées ensemble, du parcours de placement et des étapes afférentes, mais également des choix négociés pour tenir la relation ou, au contraire, la relâcher.

Contribution : Cet article s’appuie sur les matériaux recueillis lors de deux programmes conventionnés : la recherche exploratoire Ticf@liens ayant bénéficié du soutien du GIS M@rsouin (2014-2015) et la recherche Pl@cement soutenue par l’Observatoire National de la Protection de l’Enfance et par la Mission de recherche Droit et Justice (2016- 2018).

Mots-clés: correspondance numérique, famille, placement, protection de l’enfance, approche socio-juridique

Les ressources numériques d’information offertes aux parents belges et canadiens francophones en réponse au problème de la cyberintimidation : une analyse critique du discours
Mathieu Bégin, Alice T’Kint, Pierre Fastrez, Normand Landry

Cadre de la recherche : Le mot « cyberintimidation » désigne toute situation où une personne ou un groupe communique un contenu à l’aide des technologies socionumériques, dans le but de nuire au bien-être d’une tierce personne. Cette recherche porte sur les ressources numériques d’information (RNI) offertes aux parents belges et canadiens francophones, en réponse à ce problème social.

Objectifs : S’appuyant sur la théorie de l’analyse critique du discours, notre recherche vise à décrire les manières d’agir et les manières d’être les plus souvent proposées aux parents belges et canadiens francophones, puis à les évaluer au regard de ce que la recherche scientifique juge souhaitable dans ce domaine.

Méthodologie : Une analyse du discours de 17 RNI belges et de 35 RNI canadiennes a été réalisée. Toutes les propositions traduisant des manières d’agir et les manières d’être dans ces documents ont été classées dans des catégories d’analyse tirées de la documentation scientifique.

Résultats : Le discours des RNI belges prescrit des modes d’intervention en situation de cyberintimidation qui sont proactifs ; des actions préventives misant sur la promotion du respect d’autrui ; une éducation aux médias prescriptive de bons usages ; l’exercice d’une parentalité démocratique à tendance autoritaire. Le discours des RNI canadiennes prescrit des modes d’intervention en situation de cyberintimidation axés sur le bien-être de l’enfant-victime ; des actions préventives portées sur la compréhension de l’univers sociomédiatique des jeunes ; une éducation aux médias misant sur l’accompagnement et le dialogue ouvert ; l’exercice d’une parentalité démocratique à tendance permissive.

Conclusions : Les deux pays se distinguent sur plusieurs plans en matière de manières d’agir et de manières d’être promues dans les discours des RNI. Nos observations rejoignent les conclusions d’enquêtes montrant que l’exercice de la parentalité en Europe latine se fait selon un modèle plus autoritaire que celui qui est en vogue au Canada.

Contribution : Notre recherche confirme le postulat de la théorie de l’analyse critique du discours selon lequel les discours sont orientés par des connaissances de sens commun (croyances, normes, valeurs) géographiquement et culturellement situées.

Mots-clés: cyberintimidation, intervention, prévention, éducation aux médias, parentalité, ressources, information, analyse de discours


Des enfants distingués. Goûts vestimentaires et distinction sociale dans les familles de classes moyennes et supérieures.
Martine Court

Cadre de recherche : Dans toutes les strates de la société, le vêtement est un instrument privilégié de distinction sociale. D’une manière qui n’est pas nécessairement consciente, il permet aux individus de se faire une apparence qui les dote – au moins à leurs propres yeux – d’une certaine forme d’excellence, et de marquer une différence entre eux et des groupes sociaux auxquels ils ne veulent pas être assimilés.

Objectif : L’objectif du présent article est d’analyser la façon dont cette logique de la distinction oriente les pratiques vestimentaires des enfants. En nous centrant sur le cas des classes moyennes et supérieures françaises, nous souhaitons montrer que les choix faits par les parents lorsqu’ils habillent leurs enfants sont le produit de goûts et de dégoûts construits relationnellement, en réaction aux goûts de ceux qui occupent des positions différentes dans l’espace social.

Méthodologie : L’article se fonde sur une enquête qualitative par entretiens réalisée en France entre 2010 et 2012 auprès de vingt-six parents d’enfants âgés de dix ans et appartenant aux classes moyennes ou aux classes supérieures.

Résultats : Après avoir mis en évidence l’existence d’un goût pour la distinction, qui conduit nombre de parents à acheter à leurs enfants des vêtements qui les singularisent, le texte détaille différentes formes de dégoût du goût des autres : une aversion pour certaines tenues associées à différentes fractions des classes populaires, d’une part ; une mise à distance de goûts attribués à d’autres fractions des classes moyennes ou supérieures, d’autre part.

Conclusion : Ces analyses indiquent que les enfants – très exactement les pratiques et les consommations qui leur sont destinées – jouent un rôle important dans la construction des barrières et des hiérarchies symboliques entre les classes.

Contribution : Alors que les consommations destinées aux enfants ne sont quasiment jamais évoquées dans La distinction, l’article montre la pertinence du modèle théorique développé par Pierre Bourdieu pour rendre compte de ces consommations. Au-delà du seul cas de l’habillement, il invite à analyser d’autres pratiques enfantines à la lumière des propositions avancées dans La distinction.

Mots-clés: enfant, famille, corps, classe sociale, vêtement, distinction sociale

Paternité gay et GPA : entre lien génétique et lien affectif
Martine Gross, Bérengère Rubio, Olivier Vecho, Kate Ellis-Davies

Cadre de la recherche : À côté des pères « classiques », reliés génétiquement à leur enfant et conjoint de la mère, il existe des pères adoptifs, des pères seuls, des beaux-pères, des pères non génétiques. Au sein de cette diversité apparaissent les pères gays. Mais choisir la paternité gay est un phénomène relativement récent qui nécessite d’affronter un environnement légal et social hostile et qui défie les normes de genre.

Objectifs : Explorer les représentations de la parenté et de la paternité et notamment l’importance accordée ou non au lien génétique chez les pères gays ayant eu recours à une gestation pour autrui.

Méthodologie : L’article s’appuie sur des entretiens menés auprès de 36 hommes gays en couple qui ont eu recours à la gestation pour autrui pour devenir père d’un enfant ou de jumeaux agés d’environ 4 mois.

Résultats : Probablement conscients de l’importance accordée au lien génétique dans les représentations sociales dominantes, les pères interrogés sont très attentifs à ce que leurs proches ne fassent pas de distinction. Mais ces mêmes représentations ne sont pas absentes chez ces pères, notamment au moment de la mise en œuvre de la conception. En effet, un certain nombre d’entre eux a implanté des embryons de l’un et de l’autre pour se donner une chance d’avoir des jumeaux génétiquement reliés à chacun des pères. Dans le cas d’une deuxième GPA, ils tiennent assez souvent à ce que le deuxième enfant (deuxième jumeau ou grossesse future) soit du père qui n’a pas donné son sperme la première fois.

Conclusions : Les observations recueillies montrent que les représentations de la paternité sont diversifiées et combinent des représentations fondées sur l’engendrement avec des représentations davantage fondées sur la parentalité.

Contribution : L’article met en évidence la complexité des représentations de la paternité. Celles-ci ne se résument pas aux liens biogénétiques mais accordent également une grande importance aux liens électifs.

Mots-clés: père, homoparentalité, paternité génétique, gestation pour autrui




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