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No 42 - 2023

Familles, intervenants et soins palliatifs pédiatriques
Sous la direction de Josée Chénard, Marianne O.-d'Avignon, Marie Friedel, Anne-Catherine Dubois




Soins palliatifs pédiatriques : quelles implications pour les familles et le personnel accompagnant ?
Josée Chénard, Marie Friedel, Marianne O.-d'Avignon, Anne-Catherine Dubois

Cadre de recherche : Cet article propose de définir les soins palliatifs pédiatriques en adoptant une approche centrée sur toute la famille et sur les différents professionnels de la santé les accompagnant.

Objectifs : Cette introduction vise essentiellement à définir les soins palliatifs pédiatriques, à décrire la population susceptible d’en bénéficier et d’en situer les principales répercussions sur la famille et les proches ainsi que les intervenants qui les accompagnent. Il vise également à situer chacun des articles du numéro.

Méthodologie : Cet article s’appuie sur un examen de la littérature.

Résultats : Une définition des soins palliatifs pédiatriques, de la population concernée ainsi que les conséquences sur l’ensemble de la famille sont présentées.

Conclusions : Plusieurs axes de recherche restant à développer dans le domaine des soins palliatifs pédiatriques sont proposés par les auteures.

Contribution : Cet article souhaite contribuer à la réflexion et à l’enrichissement des connaissances des intervenants accompagnant les enfants et leurs familles en soins palliatifs pédiatriques. Cela tout en permettant d’initier les lecteurs non familiers à cette approche de soins spécifique.

Mots-clés: soins palliatifs pédiatriques, prévalence, famille, professionnels de la santé


Les enjeux des soins palliatifs pédiatriques en milieu hospitalier tertiaire : portrait d’une culture interdisciplinaire porteuse d’espoir
Claude Julie Bourque, Marta Martisella, Marc-Antoine Marquis

Cadre de la recherche : En 1999, le CHU Sainte-Justine à Montréal a créé une offre de soins palliatifs pédiatriques (SPP) qui s’est déployée graduellement dans tous les secteurs de l’hôpital. Un programme de recherche rétrospectif et critique vise à comprendre l’évolution des pratiques et à circonscrire les enjeux actuels.

Objectifs : Cet article présente un portrait des SPP en milieu de soins tertiaires afin de nourrir la réflexion sur l’évolution des pratiques en identifiant des priorités de recherche aux niveaux clinique, organisationnel et systémique.

Méthodologie : L’approche des méthodes mixtes est utilisée pour cette recherche-intervention. Une base de données d’archives (1999-2021) et des comptes-rendus d’ateliers (2021-2022) font l’objet d’analyses statistiques descriptives, d’analyses conceptuelles et d’une narration collective.

Résultats : Le déploiement des SPP s’est accru au fil des ans pour se stabiliser par la suite. Le nombre de requêtes n’est pas corrélé au nombre de décès pour un secteur donné. Les répondants ont décrit dix thèmes centraux pour la pratique, la formation et la recherche en SPP : (1) les besoins des patients en milieu hospitalier tertiaire, (2) les particularités pédiatriques des soins palliatifs et soins de fin de vie, (3) la centralité de l’enfant, (4) la douleur et la souffrance ou le bien-être et la qualité de vie, (5) les motivations et les besoins des soignants, (6) les pratiques interdisciplinaires et interprofessionnelles, (7) la formation et les compétences, (8) les normes et les indicateurs, (9) les dimensions éthique et systémique des SPP, et (10) l’espoir et les espoirs.

Conclusion : Des outils conceptuels, procéduraux et pédagogiques sont essentiels pour améliorer la qualité et l’accessibilité des soins et des services en SPP.

Contribution : Nous souhaitons enrichir la réflexion sur les SPP en décrivant notre perspective et en stimulant les interactions entre les différents milieux hospitaliers et communautaires concernés.

Mots-clés: soins palliatifs, pédiatrie, espoir, accès aux soins, norme, interdisciplinarité, éthique, bien-être, maladie grave, meilleur intérêt de l’enfant

Réflexions interdisciplinaires pour l’accompagnement de demandes d’euthanasie de mineurs en Belgique
Franck Devaux, Claire Van Pevenage, Christine Fonteyne

Cadre de la recherche : En Belgique, l’euthanasie a été ouverte aux mineurs en février 2014. La demande à mourir doit être formulée par le mineur. Elle doit recevoir l’accord des parents. Elle est réglementée par un processus d’évaluation et d’accompagnement interdisciplinaire pour des situations de souffrance physique constante, insupportable et inapaisable ne présentant aucune autre solution raisonnable dans le contexte d’une affection incurable.

Objectifs : Partager les réflexions et recommandations sur l’accompagnement des enfants, de leurs familles et des équipes dans le cadre des demandes d’euthanasie. Elles visent à pointer les éléments que cet accompagnement a en commun avec tout processus de soin, mais également ceux qui le caractérisent proprement.

Méthodologie : Dès 2014, l’équipe mobile de soins palliatifs pédiatriques de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF) de l’Hôpital Universitaire de Bruxelles (HUB) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) s’est réunie régulièrement de manière interdisciplinaire afin d’examiner et de discuter les différents aspects de la loi.

Résultats : Le résultat de ce dialogue ouvre un champ de réflexions et de balises pour assurer un soin adapté et réglementé. Il vise à favoriser l’accompagnement de l’ensemble des personnes mobilisées par l’émergence d’une demande d’euthanasie. Il ne s’agit pas de définir un cadre strict, mais de proposer des repères généralisables et capables d’y assurer un soin dynamique, non linéaire, collaboratif et compréhensif.

Conclusions :  L’euthanasie est un processus de soin et d’accompagnement allant aux rythmes multiples des personnes dont il a la responsabilité. Les balises de ce cheminement trouvent place à travers une constellation humaine et interdisciplinaire.

Contribution : L’euthanasie de mineur en Belgique est une pratique rare, peu étudiée mais jamais anodine. Cet article interroge l’exceptionnelle singularité de ces processus de soin et les ressources interdisciplinaires nécessaires pour l’accompagner.

Mots-clés: pédiatrie, euthanasie, interdisciplinarité, soins palliatifs, Belgique, éthique

Comment rechercher l’intérêt supérieur de l’enfant lors d’une prise en charge palliative ? Analyse de 2 études de cas complexes
Brigitte De Terwangne, Corinne Tonon, Dominique Bellis, Muriel Freson, Noémie Watterman, Julie Maelfeyt

Cadre de la recherche : Dans le cadre de la mission d’une équipe de liaison pédiatrique spécialisée en soins palliatifs pédiatriques (SPP) en Belgique, cet article propose d’analyser les enjeux décisionnels face à l’intérêt supérieur de l’enfant dans une étude de deux cas cliniques complexes qui ont impacté cette équipe et ont questionné leur approche professionnelle.

Objectif : Cet article met en évidence la notion de l’intérêt supérieur de l’enfant se basant sur des enjeux décisionnels relatif à sa santé. Lorsque les avis des parents et de l’équipe soignante divergent quant au traitement à donner à un enfant en situation de soins palliatifs pédiatriques, nous analyserons les enjeux liés au processus décisionnel partagé (PDP) ainsi qu’aux facteurs éthiques pour identifier des pistes de compréhension et de solutions.

Méthodologie : Nous avons choisi pour méthode l’étude de deux cas cliniques complexes vécus à domicile par une équipe de liaison spécialisée en SPP. Cette méthode qualitative permet d’analyser la situation dans sa singularité et sa globalité. Il s’agit d’une étude de cas intrinsèque, basée sur un problème pratique rencontré, une confrontation personnelle à une situation professionnelle donnée complexe (Duport, 2020).

Résultats : Notre recherche expose la complexité de la trajectoire décisionnelle et la nécessité de prendre en compte les systèmes d’influence dans la prise de décision, ainsi que l’importance pour l’équipe de soins de prendre du recul et d’avoir une grille de lecture éthique adaptée à la situation donnée.

Conclusions : La prise en charge d’un enfant gravement malade suivi en SPP est évolutive et non linéaire. La prise de décision partagée (PDP) formalisée entre médecins, l’enfant et ses parents, et l’équipe soignante permet de prendre en compte toutes les composantes rentrant dans ce processus et vise à respecter l’intérêt supérieur de l’enfant. Les différents critères créent un climat de confiance indispensable à la bonne prise en charge de l’enfant.

Contributions : Le blocage dans la relation thérapeutique est un symptôme de perte du climat de confiance avec risque de repli, mais les systèmes peuvent parfois autogénérés leur propre solution, ce qui démontre l’importance de développer et de former les équipes à l’approche de la prise de décision partagée.

Mots-clés: liaison pédiatrique, prise de décision partagée, intérêt supérieur de l'enfant, étude de cas, soins palliatifs pédiatriques

Le curatif, le palliatif… quelle importance ? L’expérience de parents ayant accompagné leur enfant dans la grande maladie et la fin de vie
Sylvie Fortin, Sabrina Lessard, Alizée Lajeunesse

Cadre de la recherche : Dans la grande maladie, la prolifération des possibilités thérapeutiques retarde souvent le moment où la mort est envisagée et où les soins palliatifs, trop souvent associés à la fin de vie et à la mort, sont introduits dans les trajectoires des malades. Dans ce contexte, les soins palliatifs pédiatriques tentent de jouer un rôle actif dans la relation de soins, au-delà de l’idée de traitements pour la guérison.

Objectifs : Notre article cherche à mieux comprendre le moment où les soins palliatifs deviennent une possibilité dans la trajectoire de la grande maladie, et comment ils sont représentés. Nous nous intéressons à la place que ces soins occupent dans le vécu des parents, ainsi que la manière dont s’exprime leur expérience de la grande maladie, et plus précisément la dimension relationnelle de la fin de vie.

Méthodologie : Nous nous appuyons sur les témoignages de parents dont les enfants ont souffert de maladies graves et de décès. Par le biais d’entretiens individuels semi-dirigés entre 2017 et 2019, nous avons recueilli les histoires de 16 enfants et adolescents montréalais d’origine migrante ou non-migrante (10 garçons et 6 filles âgés de quelques semaines à 19 ans), atteints d’une maladie génétique ou rare, d’un cancer ou de plusieurs maladies chroniques.

Résultats : Non seulement le type de maladie est une composante importante dans le parcours des soins palliatifs, mais le care et le profil des familles sont également déterminants dans la perception d’une expérience (néanmoins) positive de la fin de vie de leur enfant.

Conclusions : Les perspectives thérapeutiques curatives/palliatives ont peu d’influence sur la satisfaction de nos participants quant aux soins de fin de vie, tant qu’un lien de confiance thérapeutique est présent entre la famille et l’équipe soignante. Que ce soit positif ou négatif, ce lien de confiance influence les relations de soins pédiatriques et les trajectoires de maladies graves, ainsi que les expériences de fin de vie vécues par les proches.

Contribution : À travers les expériences d’enfants en fin de vie telles que partagées (principalement) par les mères, cet article aborde les perspectives curatives et palliatives telles que choisies par les parents d’enfants confrontés à un sombre pronostic. Au-delà des différentes philosophies qui habitent ces approches, la qualité (et la continuité) des relations établies avec les soignants est un facteur déterminant dans la qualité des expériences documentées par notre étude.

Mots-clés: relation thérapeutique, soin, pédiatrie, enfant, parent, maladie grave, fin de vie, palliatif, accompagnement

Les expériences des pères d’enfants atteints de récidive de cancer
Naiara Barros Polita, Francine de Montigny, Chantal Verdon, Lucila Castanheira Nascimento

Cadre de recherche : La récidive d’un cancer chez l’enfant nécessite de nouvelles significations et stratégies pour que la famille puisse faire face à cette phase. La manière dont les hommes gèrent les situations de maladie infantile est influencée par les normes sociales, les croyances et les valeurs culturelles. Ainsi, l’anthropologie médicale et les masculinités ont été choisies comme cadres théoriques de cette étude.

Objectifs : Cet article examine les expériences des pères d’enfants atteints d’une récidive de cancer.

Méthodologie : La recherche narrative a été menée auprès de 13 pères brésiliens. Les données ont été recueillies au moyen d’entretiens approfondis semi-structurés, puis traitées par une analyse thématique inductive.

Résultats : Une synthèse narrative thématique a été élaborée : «les bons jours, les mauvais jours : oscillation entre la résignation de la mort et l’espoir de guérison». L’annonce de la récidive en conjonction avec les signes d’aggravation clinique de l’enfant a rapproché les pères des limites du traitement et de la finitude de la vie, bien qu’ils aient aussi présenté un espoir de guérison. Les pères ont hésité entre l’élaboration de stratégies centrées sur les émotions et l’adoption de comportements et de stratégies pour se réengager dans la vie. En plus de maintenir l’espoir, les pères ont mobilisé les ressources suivantes : la religion, la spiritualité et le soutien émotionnel et instrumental.

Conclusion : La culture, en particulier les masculinités, influence et est influencée par les expériences paternelles tout au long d’une récidive de cancer de l’enfant.

Contribution : Mieux connaître les particularités des expériences masculines facilite le développement d’interventions spécifiques aux pères. Les soins palliatifs peuvent leur apporter des avantages, puisqu’ils les aident à prendre conscience de la finitude et à débuter un processus de deuil anticipé, contribuant à donner un sens à l’expérience et à se résigner à un éventuel décès.

Mots-clés: cancer, culture, enfant, paternité, père, masculinité, recherche qualitative

L’accompagnent d’un enfant atteint de cancer : une expérience aux multiples contextes pour les familles habitant loin des centres spécialisés
Chantale Simard

Cadre de la recherche : Le cancer est la maladie potentiellement mortelle la plus fréquente chez les enfants canadiens. Il s’agit d’une expérience familiale traumatique. Des auteurs soulignent que les familles touchées sont plus vulnérables si elles ne disposent pas de ressources suffisantes pour favoriser leur processus de résilience. Or, celles habitant une localité éloignée des centres hospitaliers spécialisés en oncologie pédiatrique (CHSOP) sont confrontées à des défis additionnels en raison de leur accès limité à des ressources et services pouvant répondre à leurs besoins immédiats. Alors que l’expérience familiale du cancer pédiatrique est abondamment décrite dans les écrits scientifiques, celle liée à l’éloignement des CHSOP demeure peu explorée. L’approche de soins fondée sur les forces de la personne et la famille de Gottlieb et la théorie du renforcement de la résilience familiale de Walsh (2012 ; 2016b) ont guidé cette étude. Cet article présente des résultats issus de la première phase d’une plus vaste étude, conduite entre 2015 et 2021, soit ceux liés aux différents contextes pouvant exacerber la vulnérabilité des familles.

Objectif : Explorer les facteurs liés au processus de résilience de familles accompagnant un enfant atteint de cancer en contexte d’éloignement (FAECCÉ).

Méthodologie : Une approche qualitative descriptive a été adoptée à l’aide de 26 entrevues semi-structurées individuelles et de groupe (n= 50 personnes : 39 membres de 11 familles, 11 infirmières).

Résultats : Parmi l’ensemble des résultats obtenus lors de la plus vaste étude, deux principaux contextes d’éloignement ont été dégagés et sont ici présentés : (1) lorsque les FAECCÉ sont dans leur localité, lors du diagnostic de l’enfant, des retours du CHSOP et au quotidien, et (2) lorsqu’elles sont au CHSOP, loin des personnes qui leur sont chères et de leurs repères habituels. Des contextes aux facteurs de risque spécifiques, qui peuvent compromettre leur processus de résilience.

Conclusions : L’éloignement est une expérience multicontextuelle, persistante, qui touche tous les membres de la famille. Elle exige une évaluation familiale particulière, et est favorisée par une meilleure communication et collaboration entre les centres hospitaliers spécialisés et régionaux.

Contribution : La proposition de précieuses pistes pour des soins plus adaptés à la réalité des FAECCÉ.

Mots-clés: famille, cancer pédiatrique, résilience, soin de santé, ruralité


De la solidarité aux menaces de mort : prise en charge des orphelins après le génocide des Tutsi
Domitille Blanco

Cadre de la recherche : L’article s’inscrit dans le cadre d’une thèse en socio-anthropologie portant sur la transmission de la mémoire familiale de Rwandais vivant en France. Nous nous intéressons ici à la prise en charge des orphelins après le génocide des Tutsi du Rwanda.

Objectifs : L’objectif de l’article est d’amener à une meilleure compréhension des reconfigurations familiales dans le Rwanda post-génocide. Nous verrons en quoi la crise de la prise en charge des orphelins a transformé les frontières de la parenté.

Méthodologie : Nous avons effectué une étude ethnographique reposant sur un terrain « en pointillé » de 2014 à 2019. Nous avons effectué des entretiens semi-directifs avec des Rwandais vivant en France et ayant moins de 20 ans en 1994, ainsi qu’avec des membres de leur famille. Cela a été complété avec l’élaboration d’arbres de parenté et avec des observations réalisées lors de commémorations.

Résultats : Nous documentons ici diverses situations d’accueil en famille, en ménage d’enfants ou en orphelinat, qu’ont pu vivre les orphelins après le génocide. Le gouvernement rwandais a mené une politique familialiste aboutissant à la « réunification » ou au placement dans une famille. Nous présentons des configurations de maisonnées, associant ou non la parentèle, voire se protégeant d’elle.

Conclusions : Le génocide a provoqué une crise de la prise en charge des orphelins qui a mis à nu les relations de parenté, à travers les actes de solidarité ou d’hostilité. Maisonnées et lignées ont vu leurs frontières se redessiner avec les exclusions et les inclusions symboliques, affectives et matérielles des orphelins.

Contribution : L’article permet de réinscrire les relations de parenté et la parenté quotidienne dans un contexte socio-économique et historique donné, celui du Rwanda post-génocide. Il apporte un éclairage sur les changements familiaux et sociétaux qui adviennent au lendemain d’un génocide.

Mots-clés: orphelin, parenté, génocide, Rwanda, fratrie, prise en charge, famille

Les politiques sociofiscales d’incitation pour l’emploi familial saisies par les pratiques sociales : mécanismes de classe et de genre de la délégation
Sebastián Pizarro Erazo

Cadre de la recherche : Depuis les années 1990, les pouvoirs publics français développent des politiques sociofiscales qui encouragent les familles à avoir recours à l’emploi à domicile pour déléguer le travail domestique, parental et du care. L’objectif est de favoriser l’aptitude des femmes à tenir des engagements sociaux pluriels. Cela dit, les travaux pointent la persistance des inégalités de classe dans la pratique de la délégation et soulignent la charge de travail qu’elle implique pour les femmes.

Objectifs : L’objectif de cet article consiste à saisir les mécanismes de classe et de genre à l’œuvre dans la pratique de la délégation. Ainsi, il cerne dans quelle mesure le régime de reproduction français contemporain, à savoir le référentiel organisationnel des pratiques de prise en charge des activités qui entretiennent la vie humaine, soulage le travail domestique dans les familles et, en particulier, du côté de femmes.

Méthodologie : À partir d’entretiens semi-directifs menés en Île-de-France dans le cadre d’une recherche doctorale en sociologie auprès de 38 familles, nous allons saisir un ensemble de mesures emblématiques du régime de reproduction d’après des pratiques familiales : les politiques sociofiscales d’incitation pour l’emploi familial.

Résultats : L’analyse montre qu’en laissant inchangé le référentiel organisationnel du régime de reproduction, les politiques sociofiscales d’incitation pour l’emploi familial maintiennent, voire renforcent les inégalités de classe et de genre.

Conclusions : Tant que le régime de reproduction français ne reviendra pas sur les fondements de son référentiel organisationnel, tout porte à croire que les politiques qui encouragent la délégation des activités familiales auront des conséquences inégalitaires.

Contribution : Cet article rend compte de la manière, dont les incohérences entre référentiels d’une part, et pratiques sociales d’autre part, freinent la portée transformatrice des politiques publiques.

Mots-clés: politique publique, famille, travail domestique, conciliation famille-travail, reproduction humaine, France

« Y’a pas de place pour vous ». Formes de non-recours à des modes d’accueil des jeunes enfants en quartiers populaires
Pascale Garnier, Catherine Bouve, Carmen Sanchez, Valérie Viné-Vallin

Cadre de la recherche : Les inégalités d’accès aux modes d’accueil des jeunes enfants sont particulièrement fortes en France. Nous les analysons à travers la question du non-recours aux droits et aux services (Warin, 2016), afin de penser les bricolages de garde des familles vis-à-vis d’une offre publique locale.

Objectifs : L’objectif est d’analyser les différents bricolages de garde qu’opèrent les mères des milieux populaires confrontées à une offre publique très insuffisante d’accueil de la petite enfance et à des critères d’attribution qui ne leur sont pas favorables.

Méthodologie : L’enquête empirique repose sur des entretiens de type compréhensif réalisés auprès de mères (N = 27), dans trois quartiers populaires, d’une ville très faiblement dotée en modes d’accueil formel des jeunes enfants.

Résultats : L’analyse montre les différentes formes de non-recours qu’ont les mères aux modes d’accueil de jeunes enfants. Ces formes sont connectées aux situations sociales et professionnelles auxquelles elles sont confrontées en lien avec une insuffisance de l’offre locale : une non-demande assumée ou revendiquée ; une non-information et une méconnaissance de l’offre et des démarches administratives ; une non-proposition et une non-réception face à des propositions alternatives à la crèche, des gardes informelles par des proches ou au noir. Avec l’avancée en âge des enfants, les mères expriment des besoins croissants d’accueil qui visent spécifiquement leur développement et leur socialisation, et non seulement les nécessités liées à leur insertion et activité professionnelle.

Conclusion : Les difficultés rencontrées par les mères interrogent l’offre municipale dans le domaine de la petite enfance, d’un point de vue quantitatif et qualitatif, ainsi que les bricolages de garde combinant des solutions de garde formelles et informelles.

Contribution : Pour comprendre le recours ou non des mères à un accueil extrafamilial, nous soulignons l’importance de prendre en compte simultanément la situation de l’offre locale à laquelle elles sont directement confrontées et leur propre situation sociale et professionnelle.

Mots-clés: petite enfance, mère, quartier populaire, accueil extrafamilial, garde des enfants, non-recours, conciliation famille-travail, besoin de l'enfant

Les obstacles au plein investissement de la paternité tels que représentés par des pères haïtiens
Gabrièle Gilbert, Sophie Gilbert

Cadre de recherche : La difficulté d’investissement du père envers son enfant, surtout après la séparation d’avec la mère, est un phénomène courant en Haïti. Cette problématique – qui expose les femmes et les enfants à des conséquences négatives – est peu documentée dans les écrits scientifiques.

Objectif : L’objectif de cet article est de comprendre la manière dont des pères haïtiens se représentent les entraves possibles au plein investissement de la paternité en Haïti.

Méthodologie : Un devis qualitatif de recherche a été employé. À l’aide d’une question d’entame ouverte, la chercheuse a invité les participants à partager leur expérience subjective de la paternité. Une démarche de co-construction de sens a été menée avec les sujets de recherche. Onze pères, vivant en Haïti et n’ayant pas de contacts réguliers avec au moins un de leurs enfants, ont été rencontrés. Nous avons réalisé deux entretiens (chacun d’une heure et demie) avec 10 participants, ce qui porte le nombre total d’entretiens à 21.

Résultats : Une analyse thématique a révélé différents obstacles potentiels au plein investissement paternel en Haïti, dont la difficulté pour le père à prendre sa place au sein d’une configuration familiale matrifocale, la répétition d’un modèle paternel défaillant, la tendance à adopter des comportements d’évitement (sous-tendus par des enjeux narcissiques), ainsi que le désinvestissement psychique de la paternité réelle au profit d’une paternité imaginée.

Conclusions : Alors que le plein investissement de leur paternité semble être régulièrement repoussé par les pères rencontrés, l’enfant demeure présent à travers leurs pensées. La participation des pères à notre recherche suggère un désir de changement par rapport à la problématique.

Contribution : Outre sa contribution aux écrits scientifiques, cette étude offre des pistes de recherche pour l’avenir. Des recommandations concernant l’intervention y sont émises, avec un accent sur la transformation de l’investissement de la paternité en Haïti.

Mots-clés: paternité, dynamique familiale, transmission intergénérationnelle, contact parent-enfant, culture, engagement parental, relation parent-enfant, étude qualitative, psychologie




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