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No 41 - 2022

Stratégies familiales et accès aux droits en contexte migratoire
Sous la direction de Catherine Delcroix, Josiane Le Gall, Elise Pape




Stratégies familiales et accès aux droits en contexte migratoire
Catherine Delcroix, Josiane Le Gall, Elise Pape

Objectifs : Ce numéro de revue a pour objectif d’étudier la manière dont « faire famille » influence l’accès aux droits et l’insertion de familles migrantes en Europe (France, Allemagne), en Amérique du Nord (Québec) et à Djibouti, depuis le Yémen, la Syrie, la Tunisie, le Mozambique ou le Brésil. De même, et réciproquement, il s’intéresse à l’impact du droit sur les expériences familiales en contexte migratoire.

Méthodologie : L’approche par l’observation ethnographique, par le recueil croisé de récits de vie et la reconstitution des contextes de vie de ces migrant-e-s (dans le respect de leurs paroles et de leur anonymat) permet de découvrir parfois de manière contre-intuitive les effets des politiques dans leur vie.

Résultats : Il arrive souvent qu’au sein d’une même famille migrante les statuts juridiques de ses membres soient différents, et donc leurs droits à être ou non régularisés. Il en découle un travail important que ces familles – et plus largement, des groupes entiers de migrants – doivent mener en termes d’information pour l’accès aux droits de séjour, de travail, d’accès à la scolarité pour leurs enfants, à la santé, à la nationalité, etc. Rien ne leur est garanti a priori.

Conclusions : Nous pouvons imaginer combien les migrations se poursuivront à l’aune des changements climatiques et des troubles politiques jamais interrompus à travers l’histoire. Gageons que l’approche par l’évaluation des politiques ou de leur absence, faite par les personnes concernées, sera de plus en plus nécessaire à l’avenir.

Contribution : Ce numéro thématique de la revue Enfances Familles Générations met en évidence à partir d’une approche historique et comparative l’impact de la légitimité à faire partie de la communauté nationale où ces hommes et ces femmes ont migré (Destremau, 2022).

Mots-clés: migration, famille transnationale, transmission intergénérationnelle, parcours de vie, changement de statut migratoire, politiques migratoires, agentivité, approche socio-juridique, approche ethnographique


Changement de statut migratoire et enjeux familiaux, professionnels et migratoires : une étude de cas
Monica Schlobach

Cadre de la recherche : La migration en deux étapes, soit le passage de résident temporaire à résident permanent, devient importante comme phénomène migratoire au Canada et au Québec. Elle entraîne des répercussions dans plusieurs sphères de la vie des migrants, que ce soit familiale, professionnelle ou migratoire.

Objectifs : Cet article cherche à approfondir les processus en jeu dans le changement de statut migratoire d’une famille brésilienne au Québec, qui passe de résidente temporaire à résidente permanente.

Méthodologie : L’étude a été effectuée à partir de données qualitatives issues d’entrevues répétées auprès du demandeur principal, professionnel en ingénierie, de sa conjointe et des enfants.

Résultats : Chacun des enfants ont, durant, trois ans, fréquenté l’école en anglais. À la suite de l’obtention du Certificat de sélection du Québec, chacun a été obligé de quitter l’école en anglais et de s’inscrire à l’école en français. Ceci a provoqué une rupture dans leur cheminement scolaire et a entraîné de nouvelles contraintes sur la mobilité socio-professionnelle et dans les projets de re-migration des parents.

Conclusions : Le déni de reconnaissance est vécu par chacun et chacune comme une épreuve, où chacun des membres de la famille a été assigné au statut d’étranger autant au niveau scolaire que professionnel.

Contribution : Cet article apporte un éclairage sur les enjeux familiaux, professionnels et migratoires du changement du statut migratoire. Il dévoile certaines conséquences souvent invisibles de la Charte de la langue française sur le parcours scolaire de certains enfants de parents migrants et la trajectoire professionnelle et migratoire des parents.

Mots-clés: changement de statut migratoire, parcours scolaire, migration en deux étapes, famille migrante, migrants hautement qualifiés, Charte de la langue française

L’expérience scolaire des enfants de réfugiés syriens au cours de l’exil : du transit à la réinstallation
Liyun Wan

Cadre de la recherche : Cet article est basé sur une enquête ethnographique menée auprès d’une dizaine de familles de réfugiés syriens arrivées à Strasbourg après 2011.

Objectifs : On explicite les parcours scolaires des enfants, de la Syrie à la France en passant par les pays de transit (Liban, Turquie), afin de montrer les contraintes d’une scolarisation pendant l’exil, ainsi que les différentes formes de mobilisations familiales pour l’accès aux droits et la réussite scolaire de ces enfants.

Méthodologie : Cette enquête de terrain ethnographique mobilise des méthodes qualitatives telles que l’«observation participante » et le recueil de «récits de vie ».

Résultats : Les contraintes scolaires rencontrées dans les pays de transit sont liées aux limites de l’accès aux droits. Ces dernières créent des ruptures et placent les enfants en situation de retard scolaire au moment de leur arrivée en France. Les obstacles posés par les retards accumulés, la langue et les contenus enseignés conduisent parfois à des impasses. Malgré les difficultés, les familles sont aussi des actrices qui mobilisent différentes ressources pour assurer une poursuite de la scolarité à leurs enfants.

Conclusion : Les contraintes successives pendant l’exil amènent à s’interroger sur les institutions scolaires qui évaluent et catégorisent les élèves en oubliant leurs parcours. Que pourrions-nous envisager afin d’assurer une égalité de traitement entre des enfants ayant des parcours différents?

Contribution : Partant des nombreuses recherches existantes qui traitent des contraintes scolaires des enfants réfugiés d’un point de vue institutionnel, cette recherche explore la famille de l’intérieur afin de montrer le point de vue de ses membres. Elle relie la dimension institutionnelle à la dimension familiale et individuelle.

Mots-clés: réfugié syrien, scolarisation, mobilisation familiale, exil

« Communauté familiale », « communauté nationale » : les effets des constructions juridiques sur les socialisations au sein des familles maghrébines en France
Djamel Sellah

Cadre de la recherche : S’inscrivant dans le cadre des études sur les rapports ordinaires à la politique et celui des études migratoires, ce travail entend étudier l’objet classique des socialisations politiques au sein de la structure familiale, en y questionnant le poids des effets des constructions juridiques.

Objectif : Cet article observe les contradictions pouvant s’installer au sein de l’espace familial (« la communauté familiale ») du fait de l’exclusion de certains de ses membres de la « communauté nationale » en raison de leur statut juridique.

Méthodologie : Ce questionnement sera traité à partir d’un corpus d’une trentaine d’entretiens narratifs réalisés auprès de descendants d’immigrés maghrébins âgés de 18 à 45 ans résidant en Île-de-France et dont au moins un des parents est né dans un des pays du Maghreb.

Résultats : D’après nos résultats, le statut juridique différent entre membres d’une même famille ne provoque pas d’effet restrictif sur les transmissions politiques, car elles s’inscrivent dans un faisceau d’échanges plus large. Des adaptations et des stratégies communes peuvent toutefois être mises en place par ces membres dans des situations où le statut juridique s’impose comme contrainte, notamment au moment du vote. Certaines catégorisations issues des constructions juridiques peuvent s’illustrer au sein de l’espace familial à l’image de celle « du bon et du mauvais immigré », et ainsi mettre à l’épreuve les liens familiaux.

Conclusions : Comme toute problématique centrée sur une minorité ethnique, l’étude des socialisations politiques au sein des familles maghrébines impose des précautions épistémologiques. L’approche par le statut juridique nous a permis de limiter les écueils « culturaliste » et « évolutionniste ». Par ailleurs, une approche considérant les socialisations politiques dans leur contexte global offre la possibilité de capter des éléments de compréhension de certains phénomènes spécifiques aux familles immigrées.

Contribution :

Ce travail représente une première approche abordant la superposition de ces deux espaces symboliques. Il serait intéressant de continuer la réflexion entamée dans ce travail, afin de démêler avec plus de précision ce qui relève des socialisations primaires et ce qui tient des effets du statut juridique.

Mots-clés: socialisation, politique, politisation, ordinaire, famille, immigrée, Maghrébine, France, citoyenneté, nationalité

« Svp partagez vos parcours ». Expériences administratives du regroupement familial en France et stratégies collectives en ligne face aux institutions
Julia Descamps

Cadre de la recherche : Le droit français garantit sur le papier aux immigré.e.s le « droit à une vie familiale normale », en permettant aux étranger.ère.s résidant régulièrement en France de se faire rejoindre par leur conjoint.e et leurs enfants mineurs.

Objectifs : Cet article se propose d’étudier la manière dont des immigré.e.s engagé.e.s dans un parcours de regroupement familial mènent les démarches administratives les concernant et s’y adaptent. Le dispositif institutionnel du regroupement familial est dédié à la sphère privée, mais fait pourtant l’objet de stratégies collectives au-delà du foyer : l’article se propose d’interroger les conditions de possibilité d’émergence de telles stratégies.

Méthodologie : L’analyse repose sur des observations au sein de groupes en ligne de «  retour d’expérience » sur la procédure du regroupement familial, et des entretiens semi-directifs menés entre septembre 2020 et janvier 2021 avec des membres de ces groupes.

Résultats : Les espaces en ligne constituent une instance de socialisation par le bas au droit au regroupement familial et révèlent un partage genré du travail administratif. Ils sont aussi le lieu de récits et de mobilisations collectives qui de fait, mettent en avant les parcours les plus exemplaires.

Conclusions : L’accès au droit au regroupement familial ne doit pas être analysé à la seule échelle du demandeur.euse qui effectue les démarches, mais à celle du couple, et à celle de la mobilisation collective. Le partage de la communauté a des effets contrastés sur l’expérience individuelle et collective du droit, entre soutien et encadrement moral des carrières administratives.

Contribution : L’article souligne l’agentivité des familles migrantes pour se réunifier dans le cadre du droit français, et notamment le rôle crucial des conjointes restées à l’étranger, souvent considérées comme les bénéficiaires passives du regroupement familial. Il invite à une réflexion sur l’intériorisation, par les immigré·es, des normes étatiques de sélection de l’immigration familiale.

Mots-clés: politiques migratoires, réunification familiale, droit, France, sociabilité électronique, famille transnationale

Accès aux soins de santé reproductive en contexte migratoire : Parcours de femmes immigrantes souhaitant exercer un contrôle sur leur fécondité au Québec
Audrey Gonin, Sabrina Zennia, Paule Lespérance, Marie-Amélie St-Pierre, Marianne Rodrigue

Cadre de la recherche : L’accès au système de santé est un enjeu clé pour les femmes qui souhaitent exercer un contrôle sur leur fécondité. En effet, pouvoir recourir aux méthodes contraceptives féminines médicalisées et à l’avortement permet d’éviter des grossesses non désirées ou de les interrompre, sans nécessiter de négociation avec les partenaires. Or, la population d’immigration récente a généralement plus de difficultés à accéder aux soins, ce qui soulève des enjeux spécifiques pour le droit à la santé reproductive des femmes immigrantes.

Objectif : Cette recherche examine le parcours de néo-Québécoises vivant à Montréal depuis moins de 10 ans, afin de mieux comprendre les obstacles d’accès à la contraception médicalisée et à l’avortement qui peuvent se présenter pour cette population.

Méthodologie : Les témoignages de 12 femmes nées sur 4 continents différents ont été analysés à partir du modèle d’accès aux soins de Lévesque et al. (2013), et selon une perspective transnationale. Cette dernière prend en compte l’influence du parcours migratoire de ces femmes, tant du point de vue des expériences de vie antérieures que des liens avec le pays de naissance, qui subsistent et se transforment.

Résultats : Les parcours par lesquels les femmes immigrantes interrogées accèdent (ou pas) à des ressources de santé reproductive, en vue d’une autonomie procréative, sont assez ardus malgré leur volonté d’y accéder et leur capacité à chercher ces ressources. De plus, après être parvenues à passer les portes d’institution de soins, nos participantes ont eu des expériences mitigées quant aux services reçus. Les principales problématiques relevées par les femmes interrogées sont un manque d’écoute, de bienveillance et de temps passé pour expliquer les différentes options et leur laisser l’espace d’une décision éclairée quant à leur méthode contraceptive.

Contribution : Face aux rares connaissances disponibles au Québec sur la question de l’accès à la contraception et à l’avortement des femmes immigrantes, cette recherche rend compte de parcours d’accès aux soins jalonnés d’obstacles, pour des néo-Québécoises arrivées au Canada il y a moins de 10 ans. Par rapport aux recherches menées à l’international ou dans d’autres provinces du Canada, notre recherche permet de saisir plus finement les attentes pouvant exister vis-à-vis des services de santé reproductive. Finalement, le cadre d’analyse transnational rend visible des enjeux qui tendent à passer inaperçus, en se centrant uniquement sur la société d’accueil. Plus particulièrement, il rend visible les opportunités induites par la position biculturelle de personnes ayant eu un parcours migratoire.

Mots-clés: contraception, immigration, santé reproductive, accès aux soins, autonomie procréative

Au long des parcours migratoires, jouer avec les statuts juridiques, recomposer les identités. Le cas de familles yéménites à Djibouti
Morgann Barbara Pernot

Cadre de la recherche : Depuis 2015 et l’entrée du Yémen en guerre, les migrations de travail d’hommes yéménites vers Djibouti laissent place à des migrations pluricausales, et notamment familiales. Cette pluralité des parcours migratoires s’accompagne d’une diversification des statuts juridiques dans ces familles.

Objectifs : En s’intéressant à des parcours migratoires de femmes et d’hommes sur plusieurs générations, avant et après la guerre, cet article vise à comprendre comment se construisent les relations des migrants aux statuts juridiques. Il a aussi pour objectif d’étudier les effets identitaires de ces différences de statut.

Méthodologie : L’article se fonde sur l’étude de parcours migratoires collectés dans le cadre d’une ethnographie d’une durée totale de six mois. Elle a été menée à Djibouti auprès de plusieurs familles yéménites. L’autrice y a réalisé de la « participation observante », a conduit des entretiens et a recueilli des récits de vie.

Résultats : Les parcours migratoires de générations de commerçants yéménites à Djibouti ont longtemps interrogé les statuts de travailleur étranger et de national djiboutien, ce qu’ils impliquent sur les plans matériel et identitaire et disent du contexte politique de l’époque. Les nouveaux parcours migratoires des familles de commerçants conduisent au déploiement d’une stratégie de diversification et de cumulation des statuts juridiques, avec notamment l’accès au statut de réfugié, ainsi qu’à une cristallisation de l’identité yéménite.

Conclusions : Tantôt stratégiques, tantôt identitaires, les relations qu’entretiennent les familles migrantes avec les statuts juridiques manifestent leur capacité d’agir face aux États et aux contextes politiques, sociaux et économiques.

Contribution : S’appuyant sur l’étude d’un cas original, cet article contribue à la compréhension des transformations des parcours migratoires en fonction du genre et des générations, à l’enrichissement de la connaissance des stratégies migratoires et de leurs implications identitaires.

Mots-clés: migration, parcours de vie, statut juridique, famille, génération, genre, Yémen, Djibouti

Faire famille entre le Mozambique et l’Allemagne : parcours biographiques de migrants mozambicains arrivés comme travailleurs contractuels en République démocratique allemande (RDA)
Ines Grau

Cadre de recherche : L’article porte sur les parcours d’anciens travailleurs contractuels venus du Mozambique en République démocratique allemande (RDA) dans le cadre d’accords bilatéraux entre 1979 et 1990. La fondation d’une famille était interdite à ces jeunes adultes lors de leur séjour, par définition limité et dédié uniquement au travail et à la formation. Après la chute du mur de Berlin, seule une minorité d’entre eux est restée en Allemagne. Pour certains, les constellations familiales ont joué un rôle décisif dans l’obtention d’un permis de séjour.

Objectifs : L’article tend à éclairer les impacts de ces dispositifs spécifiques à la guerre froide sur les parcours individuels, et en particulier sur les stratégies destinées à « faire famille ».

Méthodologie : Cette recherche qualitative en cours se base sur des récits de vie recueillis lors d’entretiens narratifs avec d’anciens travailleurs vivant en Allemagne aujourd’hui. Trois études de cas ont été choisies pour examiner, à titre d’exemples, les façons de « faire famille » dans ce dispositif spécifique du travail contractuel.

Résultats : Cette comparaison montre que l’interdiction de fonder une famille n’a été à long terme un obstacle pour aucun des trois enquêtés. Plusieurs stratégies ont été observées, comme le fait de déplacer la fondation d’une famille au Mozambique pendant la phase de travail contractuel ou reporter la fondation d’une famille en Allemagne à la période qui a suivi la résiliation des contrats, soit à partir de 1990.

Conclusions : Les structures familiales ainsi construites s’inscrivent dans de nouveaux espaces sociaux transnationaux co-construits par les enquêtés, qui s’entremêlent entre le Mozambique et l’Allemagne, ce qui favorise chez leurs enfants une appartenance multiculturelle et engendre de nouvelles formes de mobilité nord-sud.

Contribution : Cette approche permet de mettre en lumière des biographies d’anciens travailleurs mozambicains, dans le cadre de leur séjour en RDA, mais aussi dans une perspective plus large couvrant l’ensemble de leur parcours, de leur enfance jusqu’à nos jours.

Mots-clés: travail contractuel, guerre froide, Mozambique, Allemagne, espaces familiaux transnationaux, enquête biographique


Caractéristiques individuelles des parents impliqués dans des conflits sévères de séparation : perceptions des professionnels psychosociaux et judiciaires
Amylie Paquin-Boudreau, Karine Poitras, Élisabeth Godbout, Francine Cyr

Cadre de la recherche : Les familles vivant un conflit sévère de séparation utilisent de façon disproportionnée les tribunaux, les avocats et les ressources psychosociales et sollicitent plusieurs systèmes simultanément. Les professionnels se sentent impuissants dans l’intervention auprès d’elles et tendent à entretenir des perceptions négatives à leur égard. Les caractéristiques individuelles qu’ils perçoivent chez les parents doivent être étudiées compte tenu de leur importance pour comprendre à la fois les dynamiques interpersonnelles de ces parents et les défis de l’intervention professionnelle.

Objectifs : La présente étude vise à identifier les perceptions des professionnels des domaines judiciaire et psychosocial quant aux caractéristiques individuelles des parents impliqués dans des situations hautement conflictuelles.

Méthodologie : Une analyse de contenu thématique a été réalisée sur deux types de documents, soit les dossiers tenus par les psychothérapeutes participant au protocole Parentalité-Conflit-Résolution et les décisions judiciaires rendues dans les situations familiales ayant été admises à ce même protocole.

Résultats : Les discours des juges et des psychologues révèlent leurs perceptions quant aux caractéristiques individuelles des parents impliqués dans des situations familiales hautement conflictuelles, telles que la méfiance, l’opposition, le manque d’empathie, l’impulsivité, le manque d’introspection et d’autocritique et des mécanismes de défense immatures.

Conclusions : Cet article met en évidence les perceptions des professionnels des domaines judiciaire et psychosocial quant aux caractéristiques individuelles des parents impliqués dans des situations hautement conflictuelles qui génèrent des difficultés dans les relations interpersonnelles et souligne l’impact des systèmes judiciaires et de services psychosociaux dans le maintien et l’exacerbation de ces caractéristiques.

Contribution : Les résultats de cette étude documentent les perceptions des professionnels des domaines judiciaire et psychosocial quant aux caractéristiques individuelles des parents vivant un conflit sévère de séparation ; ce qui soutient les réflexions sur les besoins de ces familles et les défis auxquels font face les systèmes judiciaires et de services psychosociaux avec elles.

Mots-clés: famille, séparation conjugale, conflit familial, psychologie, système de justice

L’adultisme comme outil d’analyse critique : exemple appliqué à l’intervention sociojudiciaire auprès des jeunes vivant en contexte de violence conjugale
Pamela Alvarez-Lizotte, Caroline Caron

Cadre de la recherche: Dans cet article, nous proposons une analyse théorique et critique du rapport social d’âge, à la lumière d’un concept qui a émergé de perspectives sociales critiques dans les dernières décennies, soit l’adultisme.

Objectifs: Nous visons deux objectifs : 1) conceptualiser l’adultisme comme un système d’oppression qui entraîne des injustices épistémiques et 2) exemplifier comment l’adultisme peut se manifester de nos jours, en appliquant l’analyse à l’intervention sociojudiciaire auprès des jeunes vivant en contexte de violence conjugale (VC).

Méthodologie: Nous déconstruisons les rapports sociaux d’âge jeunes-adultes, tels qu’on les connaît au Québec, en réalisant une analyse théorique et critique basée sur les travaux de Collins (2000) ainsi que sur la documentation émergente au sujet de l’adultisme.

Résultats: L’adultisme est un système d’oppression formé, développé et perpétué par quatre domaines de pouvoir interreliés : hégémonique, structurel, disciplinaire et interpersonnel. En intervention sociojudiciaire, ces domaines de pouvoir constituent un obstacle majeur à la reconnaissance de l’agentivité épistémique des jeunes qui vivent en contexte de VC. L’adultisme contribue notamment à discréditer et à marginaliser les voix de ces jeunes ; en conséquence, leurs points de vue ne sont pas toujours sollicités, écoutés ou considérés dans les décisions prises concernant leur garde et les contacts père-enfants.

Conclusions: Via les quatre domaines de pouvoir, l’adultisme contribue au vécu d’injustice épistémique des jeunes et pose obstacle à la reconnaissance de leur statut d’acteur.

Contribution: L’article souligne le potentiel de transformation sociale d’une meilleure reconnaissance de l’adultisme, particulièrement dans l’intervention auprès des jeunes qui vivent en contexte de VC, ainsi que la pertinence de son utilisation comme outil d’analyse critique.

Mots-clés: adultisme, rapports sociaux d'âge, enfance, adolescence, violence conjugale, séparation, intervention sociojudiciaire

L’agentivité des jeunes exposés à la violence conjugale soutenue par la méthode du calendrier historique de vie
Annie Dumont, Geneviève Lessard, Pamela Alvarez-Lizotte, Anaïs Pellerin, Simon Lapierre

Cadre de la recherche : Cet article s’appuie sur deux études menées auprès de jeunes adultes ayant vécu l’exposition à la violence conjugale (EVC) dans l’enfance ou l’adolescence. Ces études s’intéressaient à leur parcours de vie et au regard qu’ils portaient sur la violence conjugale.

Objectifs : L’article documente les types d’agentivité mis en œuvre par les jeunes interrogés, à travers leur parcours de vie. Il explore aussi dans quelle mesure l’utilisation du calendrier historique de vie (CHV) dans la recherche peut favoriser la reprise de pouvoir de ces jeunes sur la manière de raconter leur histoire.

Méthodologie : Des entrevues qualitatives semi-dirigées, soutenues par le CHV, ont été réalisées avec 63 jeunes de 18 à 25 ans ayant été exposés à la violence conjugale. L’analyse de leur agentivité s’est faite à partir de la typologie d’Hitlin et Elder (2007).

Résultats : Les stratégies d’agentivité identitaire décrites par les participants se rapportent beaucoup aux actions les aidant à se protéger de la violence dans leur quotidien. Les stratégies d’agentivité pragmatique et du parcours de vie leur permettent quant à elles de faire face à des situations nouvelles et à se projeter dans un avenir meilleur. Leur participation à la recherche fait partie de leurs stratégies agentives.

Conclusions : Le regard rétrospectif adopté par les participants les amène à décrire le sens qu’ils donnent aux stratégies agentives utilisées pour contrer l’expérience d’EVC et ses conséquences à court et à long terme. En plus de générer de nouvelles connaissances sur l’EVC, la méthodologie de l’étude favorise une réappropriation de leur récit de vie par les jeunes concernés, qui peuvent expliquer le sens de leurs actions ou décisions.

Contribution : Le fait de considérer les jeunes ayant vécu l’EVC comme des acteurs de leur parcours de vie contribue à leur donner une voix et à prendre en compte leur point de vue dans les décisions qui les concernent.

Mots-clés: agentivité, exposition à la violence conjugale, jeune adulte, parcours de vie

On ne naît pas belle, on le devient : devoir maternel et transmission du souci pour la beauté à Taïwan
Amélie Keyser-Verreault

Cadre de la recherche : À Taïwan, les parents sont de plus en plus préoccupés par l’avenir de leurs enfants et investissent délibérément dans leur future compétitivité. Dans un contexte très concurrentiel où la beauté féminine peut apporter de nombreux avantages matériels et immatériels, les mères sont encouragées à transmettre certaines valeurs et conduites esthétiques à leurs filles.

Objectif : Cet article vise à analyser le phénomène peu étudié de la transmission du souci pour la beauté par les mères à leurs fillettes dans le contexte néolibéral taïwanais.

Méthodologie : Pour ce faire, nous avons mobilisé une méthodologie qualitative consistant en 70 entrevues semi-dirigées et en de l’observation participante à Taïwan entre 2014 et 2017.

Résultats : Notre recherche a montré que la beauté est perçue comme un atout décisif pour les filles dans la maximisation de leurs chances de réussite dans la vie, autant pour le mariage et la carrière que dans la vie en société de manière générale. Les mères sont alors responsables de transmettre à leurs filles un souci esthétique afin qu’elles apprennent à être attentives à leur apparence. Trois thèmes dominants se dégagent des propos des participantes concernant cette formation esthétique : modérer et réduire l’appétit, avoir une peau blanche et avoir une attitude et une apparence mignonnes.

Conclusions : Les compétences nécessaires au travail esthétique sont acquises depuis l’enfance par un investissement délibéré. Les mères ont généralement la responsabilité de cette formation esthétique. Cette dimension genrée et générationnelle de la formation des futures « entrepreneures de l’esthétique » est décisive, mais souvent invisibilisée dans les discussions sur l’individualisme néolibéral.

Contribution : Notre travail de recherche permet d’appréhender les nouvelles modalités genrées de parentalité dans un contexte où les enfants sont considérés comme un capital humain en devenir.

Mots-clés: beauté, maternité, pratique alimentaire, néolibéralisme, Taiwan, capital humain, entrepreneur de l'esthétique




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