Card image cap
Card image cap
FR / EN

No 34 - 2019

Nouvelles frontières de l'intimité conjugale et familiale
Sous la direction de Chiara Piazzesi, Martin Blais, Hélène Belleau




Frontières de l’intimité conjugale et familiale : de la théorie aux approches empiriques
Chiara Piazzesi, Martin Blais, Hélène Belleau

Cadre de la recherche: Cet article traite des frontières symboliques, discursives et pratiques des relations intimes. Notre approche est inspirée par la théorie des systèmes de Niklas Luhmann. La « frontière » est conçue comme une opération de la relation par rapport à elle-même : la relation se définit elle-même par ses opérations communicatives et elle définit ainsi les attentes légitimes de ses membres. La relation existe alors en tant que frontière par ses opérations de communication, qui statuent directement ou indirectement sur ce qu’elle est et sur ce qu’elle n’est pas. Les symboles, les règles de sens et les références sémantiques sont des outils mobilisés dans le travail de frontière. Cependant, ces symboles ne définissent pas les façons de les utiliser dans ce travail.

Objectifs: L’article vise deux objectifs principaux. Premièrement, en mobilisant en en définissant les concepts de « frontières » et de « travail de frontière », l’article offre des outils théoriques novateurs pour les recherches sur l’intimité. Deuxième, il montre l’utilité empirique de ce concept par la discussion d’exemples de son application à l’étude des formes et des processus de l’intimité en sciences sociales.

Méthodologie: Ayant surtout une visée théorique, l’article procède par clarification conceptuelle et définition des notions de « frontières » et de « travail de frontière » en sciences sociales, pour ensuite discuter des applications de ce concept aux relations intimes, conjugales et familiales.

Résultats: Les frontières des relations émergent de l’opérationnalisation de symboles, références sémantiques ou règles de sens dans la communication entre partenaires ou membres des relations. Les symboles mobilisés ne déterminent pas les modalités de leur opérationnalisation, ce qui impose d’observer directement les opérations du travail de frontière afin de les décrire et de les comprendre.

Conclusions : Avoir exploré les fondements théoriques et empiriques du concept de frontières dans la sociologie des relations intimes, cet article documente la place centrale de la sémantique et du discours dans le travail de frontières qui définit les relations intimes. Il montre également comment le concept permet de saisir les opérations d’autodéfinition dont les relations mêmes ont besoin pour continuer à exister.

Contribution : Cet article offre une synthèse des connaissances sur le concept de frontières et en montre le potentiel heuristique pour aborder les relations intimes, conjugales ou familiales. Les articles rassemblés dans ce numéro y contribuent également en montrant sa pertinence pour analyser une diversité de relations intimes, peu importe leur composition, leur durée ou leurs degrés de stabilité ou d’institutionnalisation.

Mots-clés: frontières, travail de frontières, intimité, sexualité, famille, amour, sémantique


La construction, la protection et le renforcement des frontières des relations intimes dans la pratique de placement d’enfants en Russie
Ekaterina Pereprosova

Cadre de la recherche: L’article interroge la construction, la protection et le renforcement des frontières de l’intimité dans les familles d’accueil en Russie en fonction des modalités de placement et des modes de suppléance familiale.

Objectifs L’objectif est d’analyser ces processus comme résultats de la communication entre trois systèmes fonctionnels au sens de Niklas Luhmann : la famille d’accueil, les acteurs institutionnels et la famille biologique. Au cœur de cette communication est le sens donné à la pratique du placement par les différents acteurs ainsi que par des injonctions récentes au sein des politiques sociales de protection de l’enfance menant à une professionnalisation de cette activité et à une plus grande responsabilisation de la famille biologique.

Méthodologie: Pour ce faire, l’auteure analyse les récits de quatre mères d’accueil récoltés lors du terrain de la première année de sa thèse doctorale. Ces quatre cas sont particulièrement intéressants du point de vue de l’engagement des acteurs dans l’activité des organisations de la société civile ainsi que de l’accueil temporaire et de l’activité de tutorat.

Résultats: L’article explore les tendances à renforcer, protéger et délimiter les frontières de l’intimité qui varient selon les modalités de placement et les types de suppléance. Ces derniers dépendent du lieu de socialisation des candidats au rôle des parents d’accueil, leurs attentes quant à cette activité ainsi que des profils des enfants disponibles/désirés.

Conclusions: Les cas analysés nous permettent d’étudier l’électivité des liens de parenté et nous illustrent le concept de la famille relationnelle, tel que définit par de Singly, en tant que liens librement consentis et non pas (seulement) définis statutairement.

Contribution: Cet article contribue à la sociologie de l’enfance et de la famille.

Mots-clés: protection de l’enfance, famille d’accueil, famille biologique, intimité, systèmes fonctionnels, désinstitutionnalisation, orphelins sociaux, liens de parenté élective, famille relationnelle

Les territoires mouvants de l’intimité : entre inégalités spatiale et temporelle. Le cas des familles solos contemporaines
Alexandra Piesen

Cadre de la recherche : Depuis plusieurs années, on assiste à une augmentation des divorces et des séparations en France (Buisson et al., 2015). En Île-de-France, et plus particulièrement à Paris, le nombre de familles monoparentales continue de progresser (Drieux et al., 2016). Ces configurations familiales, plus fréquentes dans les zones urbaines (Ibid., 2016), posent des problématiques spécifiques aux individus concernés, telles que la reformulation du rôle parental (Martial, 2016), la gestion de l’espace et de l’intimité (Martin, 2001).

Objectifs : L’objectif de cet article est de comprendre comment se recomposent les territoires de l’intimité suite à l’entrée en parentalité solo, en étudiant les rapports à l’espace et au temps de ces parents depuis la séparation.

Méthodologie : Pour répondre à ces interrogations, nous nous appuierons sur une enquête qualitative menée en France auprès de 54 « parents solos » (18 pères et 36 mères), qui ont la résidence quotidienne de leur(s) enfant(s) âgé(s) de moins de 18 ans à leur domicile, et habitent sans conjoint(e).

Résultats : Les résultats de cette recherche suggèrent que l’entrée en parentalité solo engendre des changements de perception dans la vie des parents. Ces derniers doivent établir de nouvelles frontières temporelles et spatiales, parfois modulables au cours de la journée afin de conserver les territoires de l’intimité de chacun des membres de la famille. Si les pères et les mères se distinguent quant aux circonstances d’entrée en parentalité solo, ils se différencient moins dans leur gestion de l’intimité et de l’espace. Toutefois, on observe une reconduction de certaines inégalités spatio-temporelles liées aux conditions d’entrée en parentalité solo.

Conclusion : Bien que les parcours ayant mené ces parents à la parentalité solo soient variés, tous témoignent d’une évolution similaire dans leur rapport au temps et à l’espace. Si certaines distinctions de genre peuvent être soulignées, tous s’accordent sur la mise en retrait de leur potentielle intimité conjugale au profit de l’intimité familiale, plus conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Contribution : Peu de travaux portent sur les familles solos contemporaines à partir d’une approche compréhensive et genrée. Par ailleurs, la question des rapports au temps et à l’espace depuis l’entrée en parentalité solo n’a pas encore été abordée pour cette population spécifique. L’enjeu de cette contribution est d’apporter quelques éléments de compréhension relatifs à ces questionnements.

Mots-clés: famille solo, intimité, temps, espace, conciliation, frontières

Frontière de l’intime chez les femmes artistes en France (2006-2016)
Anaïs Chevillot

Cadre de la recherche : Cet article est basé sur notre recherche de doctorat en sociologie menée auprès de femmes artistes françaises contemporaines.

Objectifs : L’objectif est de démontrer combien les frontières de l’intime sont difficiles à tracer pour ces femmes dont la profession réputée très « prenante » entre en contradiction avec certains stéréotypes liés au rôle des femmes dans nos sociétés occidentales contemporaines.

Méthodologie : Nous avons procédé à une analyse qualitative d’entretiens semi-directifs menés auprès de femmes artistes entre 18 et 75 ans, et avons notamment relevé les discours émergeant de ces récits de vie pour en retenir les principaux traits saillants.

Résultats : Nous retiendrons que chez les femmes artistes les frontières de l’intime sont floues pour trois raisons principales. Les temps et les lieux où elles exercent sont en général privés, les questions de maternité et de couple prennent souvent une dimension professionnelle et les carrières semblent intimement liées à leurs trajectoires personnelles.

Conclusions : Nous soulignerons combien, d’une part, la profession d’artiste est encore marquée par une image romantique induisant une consécration totale à l’art et combien, d’autre part, ce cliché est difficilement conciliable avec les stéréotypes qui pèsent encore aujourd’hui sur les femmes et leur rôle domestique et familial.

Contribution : Ce travail pose un regard sociologique sur la situation professionnelle des femmes artistes peu reconnues en France aujourd’hui et ouvre une piste de réflexion sur leur relative absence des instances de légitimation dans les mondes de l’art.

Mots-clés: activité professionnelle, division sexuelle du travail, femme, France, identité de genre, identité parentale, identité personnelle, répartition du travail entre hommes et femmes, représentation sociale

Sexting à l’adolescence : des frontières de l’intimité du couple à l’extimité à risque
Fabienne Glowacz, Margot Goblet

Cadre de la recherche : À l’adolescence, les relations amoureuses jouent un rôle significatif et offrent un espace où les adolescents approfondissent le développement de leurs compétences émotionnelles, sociales et cognitives, qu’ils avaient déjà élaborées dans la sphère familiale et avec leurs amis. À l’ère du numérique, l’intimité dans les relations amoureuses des adolescents se teste et se construit dans un espace social s’inscrivant à la fois dans le monde réel et dans l’espace virtuel. Le sexting, nouvelle modalité de régulation de l’intimité envisagée sous le prisme de l’extimité dans un environnement dominé par les technologies numériques, soulève des questions quant aux risques réels et perçus par les jeunes et aux frontières de l’intime.

Objectifs : Nos études visent à mieux définir les contextes et motivations aux pratiques de sexting, les usages abusifs et les liens avec les cyberviolences, les représentations et risques perçus par les adolescents, ainsi que les perspectives et les besoins de prévention tels que les jeunes les envisagent.

Méthodologie : Deux études ont été menées en Belgique auprès d’adolescents (étude 1 : N= 1321 – 45 % garçons – âge moyen : 15,1 ans [ÉT =2,1] et étude 2 : N= 340 – 65 % garçons – âge moyen : 15,6 ans [ÉT =1,7]). Un questionnaire a été proposé aux participants rencontrés au sein des établissements scolaires dans le cadre de passations collectives.

Résultats : Au sein de l’étude 1, 18,7 % des participants et 26 % dans l’étude 2 déclarent avoir déjà envoyé ou posté des messages, photos ou vidéos sexy d’eux-mêmes. Les garçons sont plus susceptibles que les filles d’avoir pratiqué le sexting au moins une fois et plus spécifiquement d’avoir posté ce type de contenus en ligne. Plus de 60 % des adolescents garçons et filles destinaient ces contenus à un partenaire amoureux. Quant aux prévalences de victimisation, 17,1 % des participants rapportent avoir déjà été victimes d’au moins une forme de cyberviolences sexuelles et/ou sexistes, soit la diffusion non consentie de messages ou images à caractère sexuel, ou menaces d’agir de la sorte, et la réception de messages insultants ou rumeurs à caractère sexuel.

Conclusions : Inscrite dans une exploration de la sexualité adolescente, la pratique du sexting est mise au service de l’extimité dans une poursuite des tâches développementales. Pourtant elle est susceptible de donner lieu à d’importantes dérives et de permettre la reproduction virtuelle de violences et d’attitudes sexistes et déshumanisantes. Les besoins de prévention suggérés tant par les filles que par les garçons traduisent entre autres le besoin d’un cadre contenant pour réguler ces pratiques.

Contribution : La prévention dans le domaine de la vie sexuelle et affective, incluant le sexting, reste la voie pour éduquer et sécuriser les adolescents aux saines pratiques en la matière, et ce, dès l’enfance dans le cadre scolaire.

Mots-clés: adolescence, cyberviolence, intimité, sexting

Les ambiguïtés de la sexualité dans les relations naissantes. Le cas des jeunes étudiantes en France
Christophe Giraud

Cadre de la recherche : La sexualité, centrale dans les relations conjugales, exprime l’attrait et les sentiments des partenaires l’un pour l’autre. Dans les sociétés contemporaines, elle est aussi au cœur des rencontres où deux adultes veulent partager un bon moment ensemble sans perspective conjugale : elle relève alors d’un attrait pour une personne qu’on ne connaît pas et qu’on ne revoit pas. La sexualité est devenue ambiguë.

Objectifs : L’objectif de cet article est de comprendre les usages de la sexualité en début d’histoire intime, à un moment où il est parfois difficile de « définir la situation ». Aujourd’hui, une nouvelle façon d’entrer en relation semble se dessiner en France comme ailleurs en Occident : plus progressive, plus incertaine, une relation sexualisée mais pas uniquement sexuelle, une relation « sérieuse » mais pas immédiatement conjugale. Dans ces commencements fragiles et incertains, quelle place et quelle forme prend la sexualité ?

Méthodologie : Notre travail s’appuie sur une enquête par entretiens menée auprès d’étudiantes de la région parisienne de 2005 à 2013. Vingt-six jeunes femmes en début d’histoire intime – depuis un à trois mois – ont été interrogées à divers moments de leur relation.

Résultats : Dans ces relations naissantes, il apparaît central pour la femme de pouvoir s’orienter par rapport aux scénarios culturels actuels, car ses sentiments pour le partenaire mettront plus de temps à se fixer qu’ils ne l’auraient fait chez une personne d’une autre génération. Nous essaierons de montrer ici combien la sexualité occupe une place indispensable pour exprimer l’attrait pour le partenaire, et combien elle doit à la fois être euphémisée et prendre des formes spécifiques pour ne pas orienter l’histoire vers le modèle de la relation éphémère.

Conclusions : Par des formes et un contenu singulier, la sexualité doit aujourd’hui contribuer à ce qui est au cœur des relations naissantes : la connaissance mutuelle de deux individus singuliers.

Contribution : Cet article propose une réflexion sur le sens et la place des pratiques sexuelles dans les relations naissantes des jeunes femmes. Il insiste sur la dimension « expressive » de la sexualité dans un contexte où il est devenu difficile de s’orienter lors des rencontres intimes et où les relations stables s’établissent de façon plus progressive. Il apporte un contrepoint à des interprétations sociologiques qui réduisent les relations intimes des jeunes à une consommation sexuelle orientée par l’intérêt personnel.

Mots-clés: sexualité, scénarios sexuels, codage, amour, jeune adulte

Récits de ruptures conjugales : « créer du sens » en négociant les frontières du réseau
Gaëlle Aeby

Cadre de la recherche : Dans un contexte caractérisé à la fois par une augmentation du nombre de séparations et par la pérennité d’un idéal conjugal, une rupture conjugale est un événement qui est vécu comme une épreuve personnelle et douloureuse par les individus concernés, notamment parce qu’elle signifie non seulement la fin d’un couple, mais va aussi de pair avec une transformation du réseau personnel.

Objectifs : Nous étudierons ici comment les individus reforment les frontières de leur réseau personnel autour des personnes qui leur ont apporté du soutien et de la reconnaissance au cours du processus de rupture conjugale, et examinerons les négociations visant un juste partage, entre les ex-conjoints, de ces relations auparavant communes, ainsi que les sentiments – notamment, d’injustice – engendrés par ce partage.

Méthodologie : Cet article se fonde sur une analyse fine d’entretiens qualitatifs réalisés en Suisse et en Angleterre auprès de jeunes adultes qui se sont séparés d’un(e) conjoint(e) avec qui ils(elles) habitaient et avaient formé un projet de vie commune.

Résultats : Nous montrerons qu’il y a à la fois des gains et des pertes à l’issue de ce processus, et distinguerons cinq types de reconfiguration du réseau personnel : expansion amicalerecul amicalen négociationrefuge parental et nouvelle union. Nous verrons que cette reconfiguration s’accompagne également d’un récit qui est centré sur un concept de justice se déclinant en trois principes : la propriété, le partage à parts égales et le degré de culpabilité.

Conclusions : Nous mettrons en lumière en quoi ce travail sur les frontières est à la fois concret (perte et ajout de relations ainsi que réévaluation du degré d’investissement) et sémantique (par le récit élaboré). Nous y constaterons à la fois un processus de fermeture des frontières autour des personnes qui ont su être soutenantes et un processus d’ouverture pour aller au-delà de la relation conjugale.

Contribution : Cet article invite à une réflexion sur la reconfiguration des frontières de l’intimité et sur un nouveau rapport à la conjugalité ; en effet, une rupture conjugale entre jeunes adultes s’accompagne souvent d’espoirs pour la formation d’un nouveau couple.

Mots-clés: réseaux, couple, séparation, récits de vie, jeune adulte, intimité

Les implications du dispositif d’immigration : pratiques de définitions et de redéfinitions publiques et privées des intimités binationales en France et en Belgique
Laura Odasso

Cadre de la recherche : En France et en Belgique, depuis 2000, des dispositions législatives ont renforcé les conditions pour conclure les unions entre un national et un ressortissant non européen et pour permettre à ce dernier d’accéder au séjour. Le dispositif d’immigration — délimitant un accès sélectif à la nation par la construction des formes acceptables de « faire famille » — travaille les intimités des couples.

Objectif : Cet article interroge les changements de l’intimité des couples binationaux à l’aune des rencontres avec le dispositif d’immigration.

Méthodologie : Le matériau empirique est issu d’une enquête multisituée conduite par collecte des récits de vie des conjoints d’une centaine des couples, analysés avec la « méthode d’évaluation biographique des politiques », et par observations participantes au sein des structures associatives dans des villes françaises et belges.

Résultats : Au fil des formalités administratives, l’intimité se fait publique pour ces partenaires obligés à performer les « amoureux » comme le dispositif d’immigration le souhaite. Cela implique un travail sur les frontières de leur intimité conjugale qui varie selon la perméabilité des individus à l’ingérence étatique. Diverses modalités de transformation de l’intimé, en adhésion ou en contraste avec la logique étatique, se profilent : « à deux vitesses », « résilientes », « en échange » et « en éclats ».

Conclusion : Ces intimités identifiées résultent des « pactes » à la source de l’union et du travail que les partenaires ont pu effectuer aux frontières des rencontres avec l’État. Dans une optique de « citoyenneté intime », ce travail articule des décisions privées et des pratiques publiques, ainsi que des dilemmes moraux.

Contribution : L’article interroge l’imbrication des frontières institutionnelles, travaillées par les politiques publiques, et conjugales, travaillées par les émotions, les attentes et les échanges, par une sociologie des pratiques performatives et intimes.

Mots-clés: intimité, couples binationaux, État, politiques migratoires, performativité, citoyenneté, public/privé, France, Belgique

Famille transnationale, coprésence virtuelle et re-construction du sentiment familial
Monica Schlobach

Cadre de la recherche : Plusieurs affirment que le développement de nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC) aurait donné lieu à une nouvelle manière de conserver le lien affectif chez les familles transnationales. Il y aurait ainsi abolition de la distance grâce à la coprésence virtuelle.

Objectifs : L’objectif est de comprendre, par l’étude de l’usage des TIC, comment la famille transnationale réussit à garder vivant le sentiment familial. On vise également à discuter les limites de ces pratiques sur la capacité à continuer à faire famille transnationale.

Méthodologie : L’analyse prend appui sur les données recueillies par entrevues approfondies auprès de migrants habitant à Montréal et de membres de leurs familles restés au Brésil.

Résultats : Les TIC sont devenues, dans les échanges des familles transnationales, un outil familier et familial. Elles permettent d’accéder au temps ordinaire et aux moments forts de la vie familiale. Elles donnent lieu à l’invention de nouvelles pratiques d’interactions familiales. Elles apportent aussi certaines contraintes dans les échanges, car elles apparaissent comme une solution insatisfaisante pour résoudre le problème de la distance physique et de la séparation.

Conclusions : L’usage des TIC est devenu une habitude incorporée dans la vie familiale transnationale, par son pouvoir informatif sur la vie quotidienne des membres de la famille transnationale. La coprésence virtuelle contient cependant des limites dans l’expression des émotions et des sentiments familiaux qui permettent de garder vivante la solidarité familiale.

Contribution : La présentation des données issues de cette recherche a permis de cerner les apports, les ambivalences et les limites de l’utilisation des TIC pour faire famille transnationale, tout en révélant l’existence de la formation de micro-rituels familiaux qui agissent comme mécanisme de régulation et d’expression du sentiment familial.

Mots-clés: famille transnationale, sociabilité électronique, micro-rituels familiaux, coprésence virtuelle, sentiment familial

Étendre ses espaces d’agir dans la sphère conjugale : la migration comme ressource
Nadia Mounchit

Cadre de la recherche : S’inscrivant dans une recherche interrogeant les effets de l’expérience migratoire sur les parcours conjugaux, cet article s’intéresse aux modalités des réagencements observés. Si la lecture des travaux existants amène au constat des répercussions inégales du départ sur les rapports de genre (entre contraintes et espaces d’autonomie, notamment pour les femmes), la question du « comment » des transformations à l’œuvre reste encore à explorer (Catarino et Morokvasic, 2005).

Objectifs : En abordant l’espace conjugal comme un lieu traversé par des rapports de pouvoir, il s’agit de voir comment la situation migratoire intervient dans la formulation des règles de la vie conjugale et de quelles manières elle forme une ressource à disposition des individus dans le cadre des rapports de force conjugaux.

Méthodologie : Ce travail s’appuie sur les résultats d’une recherche doctorale principalement basée sur la conduite de quarante entretiens biographiques menés auprès de femmes émigrées d’Afrique de l’Ouest et centrale résidant en France.

Résultats : Trois modes de mobilisation de la situation migratoire, par les migrantes elles-mêmes ou par leur conjoint, ont été mis au jour : la migration comme lieu d’un cadre normatif pourvoyeur d’autres « règles du jeu » à faire valoir dans le couple et ses pratiques ; comme lieu d’une dette administrative imposée à un(e) conjoint(e) rejoignant(e) ; ou comme projet alternatif à une situation conjugale insatisfaisante. Ces usages de la migration se cristallisent autour d’enjeux d’autonomie.

Conclusions : La ressource migratoire se voit sollicitée comme levier d’action pour modifier, concrètement, les formes de la vie conjugale.

Contribution : Il est ici question de mettre en relief les résonances de l’expérience migratoire dans l’espace conjugal, invitant à la compter parmi les ressources mobilisables par les individus.

Mots-clés: migration, pouvoir conjugal, ressources, genre

Acquérir un statut de patient : une redéfinition nécessaire des frontières de l’intime au cours des parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP) en Italie (Lombardie).
Léa Linconstant

Cadre de la recherche : La loi italienne définit l’assistance médicale à la procréation (AMP) comme « un traitement thérapeutique permettant de soigner une maladie, l’infertilité ». Les parcours d’AMP donnent à voir une forme d’association particulière entre un environnement médical et la constitution de familles alors même que la grossesse n’est pas encore survenue.

Objectifs : Cet article souhaite interroger la façon dont les relations nouées au long des procédures produisent de nouvelles frontières de l’intimité conjugale et parentale, l’intimité étant comprise ici comme la relation exclusive nouée entre les deux membres d’un couple.

Méthodologie : Notre analyse s’appuie sur une ethnographie menée auprès d’un centre public italien d’assistance médicale à la procréation, dans le cadre de laquelle nous avons observé les pratiques de professionnels (gynécologues, biologistes, infirmières). Un corpus d’entretiens, dont une cinquantaine avec des professionnels de l’AMP et une trentaine avec des couples ou des femmes infertiles ayant déjà effectué au moins un parcours de fécondation in vitro, complète les observations.

Résultats : Les parcours d’AMP ne peuvent être compris comme des processus uniformes au cours desquels les relations et les statuts n’évolueraient pas et au sein desquels deux individus pourraient être considérés en tant que soignant et patient dès le départ. Au contraire, ils relèvent d’un processus au cours duquel chaque place ou statut attribué se modifie et évolue par un travail sur les corps et les relations de l’ensemble des protagonistes. La question de la temporalité est donc essentielle afin de rendre compte de l’épaisseur des parcours et de la diversité des intentions et des relations qui les jalonnent.

Conclusion : Le parcours d’infertilité et les techniques d’AMP revêtent un caractère particulier : la définition thérapeutique de ces dernières ainsi que l’utilisation du terme « patient » pour qualifier les personnes y ayant recours n’a rien d’évident. L’acquisition du statut de patient se fait de façon processuelle à travers notamment une désingularisation progressive du couple et de son histoire.

Contribution : Cet article contribue à la réflexion sur la place du tiers au sein des techniques de reproduction assistée. Ainsi, si notre ethnographie ne fait état d’aucun recours à un tiers donneur – les couples bénéficiaient d’une AMP strictement intraconjugale –, le processus de procréation s’inscrit néanmoins dans une « action collective à plusieurs partenaires » (Théry, 2010) au sein de laquelle s’insère un tiers, entendu comme un élément extérieur au couple : le corps médical. L’intrusion de ce dernier participe à redessiner les frontières de l’intimité familiale et conjugale.

Mots-clés: assistance médicale à la procréation, corps, engendrement, infertilité, intimité, parent, relation, temporalité


Contacts parent-enfant en contexte de placement : liens entre la sensibilité du parent d’accueil et les réactions des enfants à la suite des contacts
Lisa Auger, Karine Poitras, George M. Tarabulsy

Cadre de la recherche : Au Québec, la Loi sur la protection de la jeunesse encourage le maintien des contacts entre les enfants placés en famille d’accueil et leurs parents biologiques. Or, il n’existe pas de consensus empirique quant aux conséquences de ces contacts sur les enfants placés.

Objectifs : Notre étude vise à examiner les liens entre la sensibilité du parent d’accueil et les réactions des enfants à la suite de ces contacts, en considérant trois facteurs potentiellement confondants soit la sécurité d’attachement, l’âge au moment du premier placement et la fréquence des contacts.

Méthodologie : Il s’agit d’une étude quantitative réalisée auprès de 51 enfants placés âgés de 12 à 45 mois. Une entrevue individuelle auprès du parent biologique nous permet de documenter la fréquence des contacts réalisés auprès de l’enfant. Les réactions de l’enfant, à la suite des contacts, sont rapportées par le parent d’accueil. La sensibilité parentale et la sécurité d’attachement sont observées lors d’une visite au domicile du parent d’accueil.

Résultats : La plupart des enfants affichent au moins une réaction négative à la suite des contacts. Les réactions négatives rapportées sont associées significativement à l’insensibilité du parent d’accueil.

Conclusions : Notre étude suggère que la sensibilité du parent d’accueil peut être un facteur favorable à de meilleures transitions à la suite des contacts.

Contribution : Cet article contribue à la réflexion sur la tenue des contacts suivant une mesure de placement et sur les réactions manifestées par les enfants à la suite de ces contacts.

Mots-clés: contact parent-enfant, famille d’accueil, placement, protection de la jeunesse




Rechercher