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No 26 - 2017

Familles, hommes et masculinités
Sous la direction de Sacha Genest Dufault, Christine Castelain Meunier




Masculinités et familles en transformation
Sacha Genest Dufault, Christine Castelain Meunier

Cadre de la recherche : La famille est un lieu important de la socialisation genrée, de la manière dont les individus se construisent en tant qu’êtres sexués au sein d’un contexte social et culturel normatif. La famille contribue à la reproduction des masculinités, mais elle peut aussi constituer un lieu d’émancipation et de subversion par rapport aux normes de genre.

Objectifs : Cet article introductif du numéro sur les masculinités et les familles de la revue Enfances Familles Générations vise à présenter un état de la recherche et des pistes de réflexion sur l’articulation entre les réalités masculines et celles des familles.

Méthodologie : L’article introductif s’appuie sur une recension des écrits ayant porté sur le développement de la recherche sur les masculinités et des pratiques auprès des hommes. Cette analyse est mise en relation avec le champ des études sur les familles, notamment quant aux transformations actuelles qui les traversent.

Résultats : Les études sur la famille et sur les hommes sont des champs de recherche politisés et étroitement liés. Malgré la reconnaissance des transformations en présence, la volonté de savoir si les masculinités au sein des familles se réinventent ou si elles participent au contraire à la reproduction d’un ordre social genré demeure un enjeu complexe à approfondir dans les recherches à venir.

Conclusions : Plusieurs thématiques reliées aux masculinités restent peu explorées dans la recherche. Les contributions de ce numéro permettront de combler en partie ces manques. Ces thématiques touchent aux nouvelles réalités des hommes dans la famille, par exemple les pères au foyer, les pères d’enfants prématurés et l’évolution des discours sociaux sur le masculin.

Contribution : Cet article fait une revue des enjeux des transformations de la masculinité et des pluralités familiales, et identifie des pistes à approfondir pour la recherche sur ces thèmes.

Mots-clés: famille, genre, hommes, identité sexuée, masculinités, paternité, subjectivité


Les nouvelles masculinités en Suisse : une approche par l’idéologie de genre et la répartition du travail rémunéré et non rémunéré au sein des couples
Hakim Ben Salah, Boris Wernli, Caroline Henchoz

Cadre de la recherche : Dans les sociétés occidentales postmodernes, des hommes adoptent désormais des comportements traditionnellement étiquetés comme féminins, notamment dans la répartition des rôles autour de l’enfant. En Suisse, l’investissement concret des hommes est toutefois caractérisé, globalement et en comparaison des femmes, par une implication moindre dans les tâches domestiques et familiales, qui diminue encore après la naissance d’un enfant.

Objectifs : Partant de ce constat, cet article explore le rapport entre l’idéologie genrée et l’engagement des hommes et des pères dans ce domaine.

Méthodologie : À l’aide de modèles statistiques multivariés, notre analyse tente de déterminer si les attitudes envers la vie familiale et l’égalité ont une influence sur l’implication domestique et familiale des hommes. Nous mobilisons pour cela plus de 25 000 entretiens téléphoniques effectués entre 2000 et 2011 dans le cadre du Panel suisse de ménages (PSM).

Résultats : Les résultats font ressortir quatre formes de masculinité. « L’homme professionnel » construit sa masculinité essentiellement dans l’investissement professionnel sur le marché du travail et financier au sein du ménage. « L’homme orthodoxe » reste le pourvoyeur principal des revenus, sans pour autant dédaigner les tâches ménagères. Néanmoins, il s’occupe surtout de celles qui sont socialement définies comme étant masculines. « Le traditionnel gestionnaire » a un profil similaire, si ce n’est qu’il prend également en charge des tâches dites négociables, les tâches administratives du ménage. « L’homme inclusif » est celui qui partage le plus le temps de travail rémunéré et non rémunéré avec sa compagne.

Conclusions : En définitive, ces différents profils s’expliquent moins par la mise en pratique d’une idéologie de genre que par des facteurs institutionnels ou pragmatiques comme le capital économique et humain à disposition des partenaires.

Contribution : En proposant une typologie de l’implication dans le travail non rémunéré d’hommes en Suisse et en examinant de manière empirique plusieurs explications des différences constatées, cet article apporte une contribution originale à la connaissance des masculinités en contexte familial.

Mots-clés: genre, masculinité, répartition du travail entre hommes et femmes, égalité

Corps d’hommes sous le regard de femmes : une sociologie de l’apparence au prisme de la conjugalité
Marion Braizaz

Cadre de la recherche : Au XXe siècle, une inflexion majeure s’est produite quant aux représentations sociales associées à la corporéité. La mise en scène de son corps est aujourd’hui pensée dans notre société comme devant être unique et révélatrice d’une prise en main identitaire. Alors qu’ils furent longtemps tenus à distance du monde du « paraître », les hommes sont désormais – tout comme les femmes – marqués dans leur quotidien par l’impératif esthétique. Au cœur de l’intimité conjugale, cette nouvelle donne trouve d’ailleurs une résonnance particulière.
Objectifs : Tel est le sujet de cet article : démontrer combien l’apparence constitue de nos jours un enjeu conjugal décisif, les choix esthétiques de chacun des partenaires étant toujours soumis au regard de l’autre.
Méthodologie : Suite à une enquête qualitative menée en France sur l’expérience esthétique des individus (32 femmes, 28 hommes), nous avons, à ce sujet, identifié une asymétrie genrée fondamentale dans la sphère privée.
Résultats : Au jeu des apparences, dans l’espace conjugal, l’imaginaire social amoureux valorisant le bien-être de chacun se heurte à une souveraineté féminine. Une dépendance esthétique des hommes aux femmes s’observe. Face à celle-ci, les tactiques masculines sont alors radicalement opposées d’une classe sociale à l’autre. Si les hommes des classes aisées parviennent à rétablir un équilibre en instaurant une réciprocité subtile, les hommes issus de milieux populaires s’avèrent quant à eux totalement démunis, ne pouvant opposer à cette emprise féminine que des tactiques de résistances minimes.
Conclusions : Croisant des analyses sur la sociologie du couple à une sociologie des pratiques esthétiques, cet article révèle combien la conjugalité se trouve être le lieu de rapports de pouvoir indéniables, doublement marqués, par le genre mais aussi par le niveau social.
Contribution : Cet article permet d’observer à quel point le couple constitue une modalité centrale de l’expérience esthétique des hommes, ce qui est loin d’être autant le cas du côté des femmes.

Mots-clés: couple, masculinité, corporéité, genre, classe sociale, intimité

La famille mise à « mâle » ? Le cas des pratiquants de bodybuilding
Guillaume Vallet

Cadre de la recherche : Le bodybuilding est un sport extrême, au sens où il repose sur l’idée de transformation permanente du corps, et où dans certains cas, il peut engager « tout » l’individu. De ce fait, il est susceptible d’influencer fortement la vie de famille, puisqu’il amène le/la bodybuilder à devoir concilier la gestion des différentes ressources familiales et les moyens à mettre en œuvre pour réaliser ses objectifs.
Objectifs : Cet article vise alors à déterminer si l’engagement dans le bodybuilding influence l’engagement dans la famille, et si oui, à quel degré. Il est fondamental de considérer cette relation au regard du statut d’institution sociale de la famille, et de la question des prises de risque associées à une pratique sociale comme le bodybuilding.
Méthodologie : En conséquence, nous investiguons cette relation entre la « gestion » de la famille et le degré d’engagement dans la pratique à partir d’une étude réalisée pendant plus d’un an auprès de 30 bodybuilders hétérosexuels de trois salles de bodybuilding. Nous nous basons sur une méthodologie qualitative couplant 120 observations directes et 30 entretiens semi-directifs.
Résultats : Nous mettons en évidence quatre modèles (« égoïstes », « indifférents », « négociateurs », « régulés »). Ces différents modèles posent en toile de fond la définition de l’identité de sexe masculine, puisque celle-ci est fortement influencée par le statut familial et le rapport au corps qui nous intéressent ici.
Conclusions : Ces quatre modèles montrent qu’il existe une hiérarchie entre l’engagement dans la vie de famille et l’engagement dans la pratique du bodybuilding. Quand le premier est subordonné au deuxième, le bodybuilding devient un sport « total » pour l’individu qui le pratique, son identité étant uniquement construite à partir de la logique du bodybuilding. A ce stade, le bodybuilder est susceptible de rentrer dans un processus potentiellement destructeur.
Contribution : Notre contribution principale réside dans la mise en relation de ces quatre modèles et de l’identité de sexe masculine avec le degré d’engagement dans le bodybuilding : quand des bodybuilders franchissent un seuil dans l’engagement – renvoyant au concept sociologique de « carrière » –, le bodybuilding devient l’activité principale, et l’engagement dans la famille devient secondaire. Pour ces raisons, la famille est susceptible d’être « mise à mâle ».

Mots-clés: genre, identité, masculinité, bodybuilding, famille

Du côté des garçons : loisirs et construction de l’identité genrée à travers les sociabilités familiales et amicales masculines en milieux populaires
Clémence Perronnet

Cadre de la recherche : Les loisirs, pratiques et préférences culturelles sont une façon de dire qui l’on est et de se situer dans le monde social, tant par sa classe que par son âge, son genre ou son lieu de résidence. Autrement dit : « si tu joues au foot, que tu aimes les jeux vidéo et que tu écoutes de la musique rap… alors tu es un garçon de milieux populaires ».
Objectifs : Le présent article cherche à interroger cette apparente évidence, se demandant comment les jeunes garçons de milieux populaires construisent leur genre à travers leurs loisirs et quel rôle jouent alors les sociabilités masculines familiales et amicales.
Méthodologie : Le matériau utilisé a été recueilli à l’occasion d’une enquête qualitative menée par observations et entretiens individuels auprès de 20 garçons et 11 filles scolarisés dans deux classes de CM2 (10-11 ans) d’une école d’un quartier populaire de Lyon.
Résultats : Les jeunes garçons évoluent dans un réseau de sociabilités et de loisirs très masculin, un entre-soi construit contre le féminin. Pour ce qui est des parents, leurs rôles genrés sont bien distincts, pères et mères n’interagissant pas de la même façon avec les garçons. Les sociabilités horizontales entres pairs (frères, amis, cousins) jouent aussi un grand rôle dans la formation des goûts et l’identification masculine. À l’échelle individuelle, le modèle de l’entre-soi masculin est moins unifié qu’il n’y paraît, et les façons d’être garçon s’avèrent à la fois variées et hiérarchisées. Des stratégies de distinction sociale prennent forme au sein de l’ordre de genre.
Conclusions : Ce travail questionne ainsi la pertinence du modèle de la distinction sociale, en montrant qu’en dépit du caractère commun et partagé des loisirs « de garçons », des variations fines des pratiques sont l’occasion d’une hiérarchisation intra-masculine.
Contribution : Il invite aussi à penser l’hétérogénéité des groupes sociaux par la description combinée de ce qui façonne le commun et de ce qui crée, en son sein, la différence.

Mots-clés: enfance, famille, genre, identité de genre, inégalités sociales, intersectionnalité, socialisation, loisirs

Père au foyer : une nouvelle entrée au répertoire du masculin ?
Myriam Chatot

Cadre de la recherche : En dépit de la promotion dans les représentations d’un partage égalitaire des tâches domestiques et des responsabilités parentales entre conjoints, les femmes sont encore largement responsables de la prise en charge des enfants et des tâches ménagères ; l’entrée d’un homme dans la situation de « père au foyer » représente une inversion des rôles traditionnels.
Objectifs : L’objectif de cet article est de comprendre comment se recomposent les rôles de genre traditionnels dans les couples où le père est au foyer, en étudiant les relations qu’entretiennent ces pères et leurs conjointes aux rôles de pourvoyeurs de ressources et de pourvoyeurs de soins dans la famille, et plus largement à la masculinité et à la féminité.
Méthodologie : Pour ce faire, nous nous appuierons sur une enquête quantitative menée en France auprès de vingt-cinq pères en couple hétérosexuel avec enfants, qui n’ont pas exercé d’activité salariée pendant au moins six mois, interrogés dans le cadre d’entretiens semi-directifs.
Résultats : Les résultats suggèrent que les pères au foyer occupent une position hybride vis-à-vis des normes du genre, entre transgression assumée par l’adoption d’un rôle perçu comme féminin et réaffirmation de leur appartenance au genre masculin par la mise en avant d’activités ou de rôles marqués comme masculins. De même, si les conjointes sont assignées au rôle de pourvoyeuse de ressources dans ces couples, elles ne semblent pas délaisser pour autant le rôle de pourvoyeuse de soins.
Conclusion : Ces pères semblent donc aménager le rôle de parent au foyer pour l’endosser selon une modalité masculine, en conciliant rôle de pourvoyeur de soins et de pourvoyeur de ressources, et en privilégiant les facettes masculines du rôle de pourvoyeur de soin.
Contribution : Cette recherche exploratoire semble indiquer l’efficacité possible de mesures visant à impliquer davantage les pères par le biais de congés liés à la petite enfance.

Mots-clés: famille, France, genre, identité parentale, identité de genre, paternité, recherche exploratoire, recherche qualitative, représentation sociale, travail de reproduction

Soutien social et expérience paternelle des pères de nouveau-nés prématurés
Flora Koliouli, Chantal Zaouche Gaudron, Charlotte Casper, Laurence Berdot-Talmier, Jean-Philippe Raynaud

Cadre de la recherche : Plusieurs études ont montré que le vécu parental lors d’une naissance prématurée peut être de nature traumatique avec un impact sur la qualité de la relation parent-enfant (Lindberg, Axelsson et Ohrling, 2008). Cependant, force est de constater que les processus en jeu chez le père restent relativement inexplorés.
Objectifs : L’objectif de cette étude exploratoire est de développer un modèle de compréhension de l’expérience paternelle de nouveau-nés prématurés. Celle-ci est appréhendée par la relation avec le nourrisson (Blomqvist et al., 2012 ; Helth et Jarden, 2013) et l’expérience du devenir père (Zaouche Gaudron et al., 2003 ; Zaouche Gaudron et al., 2005) mais également par la relation avec l’équipe soignante (Fegran et Helseth, 2009). La gravité de la prématurité est également examinée (Ibanez et al., 2006).
Méthodologie : L’échantillon se compose de 48 pères de bébés prématurés. Un entretien semi-directif basé sur le Clinical Interview for Parents of High Risk Infants (Meyer et al., 1993) a été adapté et utilisé pour le recueil de données. Les axes réfèrent à la grossesse de la conjointe, à l’accouchement, à la relation avec le nourrisson et au soutien social.
Résultats : Nos principaux résultats indiquent que les pères construisent un premier lien avec leur bébé par le contact du peau-à-peau et par l’accordage du regard. Ils témoignent, par ailleurs, d’un vécu traumatique lié à la prématurité décrit par des sentiments ambivalents, comme la peur, le stress mais également le bonheur. La source la plus importante de soutien social, hormis la famille, est l’équipe soignante et les autres parents dans le service.
Conclusions : Les principales conclusions permettent d’amener des propositions quant aux pratiques professionnelles afin de soutenir le processus de paternalisation dans ce contexte particulier de prématurité.
Contribution : Dans une approche qualitative, cette étude apporte un éclairage concernant l’expérience paternelle dans le contexte particulier qu’est la prématurité du nouveau-né.

Mots-clés: paternité, prématurité, soutien social, stress, relation père-nouveau-né, pratiques professionnelles

Expérience paternelle et problèmes intériorisés de jeunes enfants en situation de précarité : le point de vue des pères
Myriam Kettani, Chantal Zaouche Gaudron, Carl Lacharité, Diane Dubeau, Marie-Ève Clément

Cadre de la recherche : Dans un article précédent (Kettani et Zaouche-Gaudron, 2012a), nous avons montré que les problèmes intériorisés tels qu’évalués par les pères sont plus importants chez les jeunes enfants en situation de précarité que chez les jeunes enfants de familles plus aisées.
Objectifs : L’objectif est ici d’interroger la part de l’expérience paternelle dans l’explication du lien entre la précarité et les conduites intériorisées des jeunes enfants.
Méthodologie : L’échantillon est constitué de 187 pères d’enfants âgés de 2 à 6 ans, qui ont renseigné une série de questionnaires évaluant les conduites intériorisées de l’enfant, l’expérience paternelle (engagement paternel, stress paternel et sentiment de compétence paternelle) et la situation socio-économique (revenu familial, conditions de logement, statut d’emploi du père et perception de l’aisance financière).
Résultats : Les résultats révèlent que les enfants qui vivent en contexte de précarité présentent plus de problèmes intériorisés que les enfants de familles plus aisées. Les pères quant à eux s’engagent auprès de leurs enfants autant que les pères qui ne connaissent pas de difficultés socio-économiques. En revanche, ils éprouvent un niveau de stress plus élevé et un sentiment de compétence paternelle plus faible, qui expliqueraient une grande partie des problèmes intériorisés des enfants. Il apparaît également que la perception paternelle de la contrainte financière joue un rôle plus important dans l’explication des problèmes intériorisés des enfants que des mesures plus objectives de précarité.
Conclusion : La perception paternelle de la situation socio-économique ainsi que le vécu de la paternité évalué à travers le sentiment de compétence et le stress paternel expliquent mieux les problèmes intériorisés des enfants que la situation de précarité en elle-même.
Contribution : Dans le cadre de l’intervention, ces résultats soulignent l’importance de prendre en considération les dimensions subjectives de la précarité ainsi que les affects liés au rôle paternel, pour favoriser l’épanouissement des pères ainsi que l’ajustement socio-affectif des enfants de familles défavorisées.

Mots-clés: problèmes intériorisés, engagement parental, sentiment de compétence parentale, stress parental, paternité, précarité, évaluation paternelle, enfant


Mémoire familiale chez des jeunes parents en difficulté : mécanismes de représentation et de narration d’une histoire familiale tourmentée
Caroline Baret, Sophie Gilbert

Cadre de la recherche : Certains « jeunes de la rue » ou « jeunes en difficulté » deviennent parents dans des contextes précaires : consommation de drogue, absence de logement stable et de revenus, en rupture sociale et familiale (Baret et Gilbert, 2015 ; Haley et al., 2006 ; Poirier et al., 1999).
Objectifs : Notre recherche s’est intéressée à comprendre comment les jeunes parents en difficulté élaborent leur héritage et leur mémoire familiale, considérant leur histoire tourmentée (maltraitance, abandon, difficultés parentales).
Méthodologie : Nous avons mené des entretiens semi-directifs auprès de 12 jeunes parents qui fréquentaient un organisme d’aide aux jeunes en difficulté à Montréal (Dans la rue). Notre analyse en profondeur des transcriptions a suivi une méthode inductive à deux niveaux : descriptif et interprétatif (Gilbert, 2009 ; Paillé et Mucchielli, 2008, 2012).
Résultats : L’analyse qualitative a permis de fonder une typologie de la mémoire familiale, appelée « représentation mémorielle de la famille ». Pour chacune des représentations (énigmatique, altérée et trompe-l’œil), nous avons pu inférer trois mécanismes psychiques distincts : la scotomisation, la fixation et la fabulation mémorielles.
Conclusions : Si la mémoire familiale est conscience du passé et négociation avec celui-ci (Muxel, 1996), le récit des jeunes parents que nous avons rencontrés renvoie plutôt à la difficile conscientisation d’un passé, par le biais de différents processus : 1) l’effacement (scotomisation) ; 2) la suspension du temps et la reviviscence (fixation) ; 3) le travestissement (fabulation)
Contribution : Sans sous-estimer les difficultés actuelles et réelles des jeunes parents, il nous semble nécessaire d’explorer leur histoire familiale et sociale dans le cadre de l’intervention. Il s’agirait notamment de leur offrir un espace de parole au sein d’une relation de confiance permettant un travail de mémoire réflexif (Muxel, 1996) et de mentalisation (Tychey, 2001 ; Berthelot et al., 2013).

Mots-clés: parentalité, psychologie, récits de vie, mémoire familiale, recherche qualitative, mentalisation, jeunes en difficulté, deuil, protection de l’enfance, affiliation, violence familiale

Lien entre les pratiques parentales négatives et les problèmes de comportement extériorisés des jeunes enfants à leur entrée à la maternelle : effet modérateur des pratiques positives de l’autre parent
Camille Caron, Thérèse Besnard, Pierrette Verlaan, France Capuano

Cadre de la recherche : L’étude de l’impact respectif des pratiques parentales des deux parents laisse entrevoir que les pratiques parentales des pères tout comme celles des mères contribuent positivement à l’adaptation sociale de l’enfant. Cependant, les pratiques parentales peuvent également être liées à la présence de difficultés d’adaptation, notamment de problèmes de comportement extériorisés. À une époque où les deux parents s’investissent dans l’éducation de leurs enfants, il est pertinent de se pencher sur l’influence mutuelle des pratiques parentales des deux parents sur les problèmes de comportement extériorisés de l’enfant et ainsi, déterminer des facteurs de modération possibles de la coparentalité au sein d’une même famille.
Objectifs : La présente recherche1 vise à vérifier : 1) si les pratiques parentales positives du père modèrent la relation entre les pratiques parentales négatives de la mère et les problèmes de comportement extériorisés de l’enfant et 2) si les pratiques parentales positives de la mère modèrent la relation entre les pratiques parentales négatives du père et les problèmes de comportement extériorisés de l’enfant.
Méthodologie : L’étude est transversale et porte sur un sous-échantillon de 626 enfants (âge moyen de 5,6 ans) et leurs deux parents. Les données ont été recueillies par questionnaires auprès des pères et des mères séparément.
Résultats : Les résultats d’analyses de régression multiple démontrent l’effet simple des pratiques négatives des deux parents sur les problèmes de comportement extériorisés de l’enfant. On remarque un effet modérateur des pratiques parentales positives de la mère sur les pratiques parentales négatives du père, mais pas l’inverse.
Conclusions : L’étude révèle l’importance de s’attarder aux pratiques parentales négatives, autant pour les mères que pour les pères. De plus, il apparait que l’effet combiné des pratiques des deux parents pourrait avoir un impact aussi important que les pratiques parentales individuelles sur le développement de l’enfant.
Contribution : De nouvelles connaissances dans le domaine du co-engagement parental sur le développement de l’enfant sont présentées dans cette étude, en considérant l’effet modérateur des pratiques parentales positives dans cette relation.

Mots-clés: pratiques parentales, mère, père, modérateur, préscolaire, problèmes de comportement

L’orphelin et ses constructions en Afrique : une catégorie sociale hétérogène
Georges Danhoundo

Cadre de la recherche : Les enfants orphelins mobilisent les organismes d’aide à l’enfance, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Dans les pays africains où la pandémie du SIDA est largement répandue, la prise en charge des « orphelins du SIDA » mobilise particulièrement les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, de même que les familles, démontrant ainsi une solidarité autour d’une action qui semble recueillir l’approbation générale.
Objectifs : Cet article analyse les usages de la catégorie « orphelin » et leurs effets en termes d’appréhension des questions publiques, sociales et internationales.
Méthodologie : Il s’appuie sur du matériel récolté dans le cadre des recherches en sociologie, en démographie et en anthropologie sur les logiques d’acteurs autour du soutien aux enfants orphelins en Afrique.
Résultats : Du point de vue de ces organisations humanitaires et de développement, la prise en charge des enfants orphelins requiert un ciblage, comme en témoigne la catégorie « orphelins et enfants vulnérables du SIDA ». L’utilisation de la catégorie « orphelin » s’est en particulier généralisée et diffusée dans le domaine de l’éducation et des risques. Pourtant, ce mot recouvre plusieurs réalités, il reste flou. Conjuguant sentimentalisme et compassion, il évoque une catégorie structurée autour de l’innocence, des enjeux, de la fragilité, de l’insécurité et de la vulnérabilité de l’enfance ; il constitue l’une des figures majeures de la mise en scène de l’enfance contemporaine.
Conclusions : La catégorie « enfants orphelins » recouvre des réalités diverses. Les solutions exclusives de transfert d’enfants orphelins dans la lignée paternelle proposée par certaines ONG, en référence aux pratiques ancestrales des sociétés africaines patrilinéaires (où l’enfant est censé « appartenir » au lignage du père), méritent d’être questionnées. De plus, il n’est pas souhaitable de continuer à penser la famille élargie comme étant l’unique solution à la prise en charge des enfants orphelins.
Contribution : Cet article souligne la nécessité d’étendre la notion de la famille élargie dans le cas des transferts d’orphelin, voire mieux définir l’appartenance à la famille élargie. Au-delà des normes de filiation, les modalités de transfert d’orphelin ou le contexte économique et social jouent un rôle important.

Mots-clés: Afrique, construction, enfant, orphelin, sociologie

Particularités de l’influence des parents sur la perception de la valeur des études chez des jeunes de niveau postsecondaire : une analyse qualitative longitudinale
Marie-France Noël, Sylvain Bourdon, Anne Brault-Labbé

Cadre de la recherche : Cette recherche s’intéresse à la dynamique motivationnelle de jeunes québécois de niveau postsecondaire en faisant appel au concept de perception de la valeur des études, à savoir des cours, des programmes et du fait d’étudier en général. La perception de la valeur des études est un jugement porté au regard de quatre caractéristiques (Eccles, 2005 ; Noël, 2014) : l’intérêt, l’utilité, la valeur de réalisation et les différents types de coût.
Objectifs : Cet article vise à examiner l’influence des parents sur la perception de la valeur des études, en mettant en contraste l’influence parentale avec celle des pairs et des enseignants.
Méthodologie : Une analyse qualitative interprétative a porté sur 186 entretiens semi-directifs réalisés sur une période de plus de 5 ans auprès de 36 jeunes de niveau postsecondaire. Ces entretiens ont été réalisés dans le cadre de l’enquête Famille, réseaux et persévérance au collégial (Bourdon et Charbonneau) et une analyse secondaire en a été faite dans une recherche doctorale.
Résultats : Les résultats indiquent que les parents sont susceptibles d’agir sur les quatre composantes de la valeur, même s’il est question surtout de l’utilité des études en lien avec l’insertion sur le marché du travail. L’influence parentale agit par divers mécanismes, principalement 1) la discussion et le conseil ; 2) l’effet de modèle par leur propre parcours ; 3) le soutien, notamment financier.
Conclusions : L’influence des parents comporte des particularités relativement à celle des pairs et des enseignants. La recherche démontre également en quoi le concept de perception de la valeur des études constitue un angle d’entrée intéressant pour nuancer ces diverses influences.
Contribution : Cette recherche jette un regard original sur le concept de perception de la valeur des études, notamment en l’abordant dans une approche qualitative, mais également en prenant en compte une diversité de sources d’influences potentielles sur cette perception qu’ont des jeunes de la valeur de leurs études.

Mots-clés: motivation, parent, pairs, enseignant, perception de la valeur, collège, université




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