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No 2 - 2005

La famille et l’argent
Sous la direction de Hélène Belleau, Françoise-Romaine Ouellette




Introduction : La famille, l’amour et l’argent
Hélène Belleau, Françoise-Romaine Ouellette

La famille est plus spontanément associée à l’amour et aux enfants qu’à l’argent. Pourtant, les aspects financiers de la vie conjugale et de la prise en charge des enfants et des proches dépendants font régulièrement l’objet de débats publics en lien avec les programmes et politiques d’aide à la famille (coûts des services de garde, congés parentaux, pensions alimentaires, etc.). De plus, dans les familles d’aujourd’hui, l’enjeu de la conciliation des intérêts individuels et des impératifs de cohésion du groupe met bien en évidence l’impact que peuvent avoir les questions d’argent sur la dynamique des relations entre apparentés. Ainsi, la gestion de l’argent au sein des couples s’inscrit dans une tension entre, d’un côté, l’aspiration des conjoints à l’épanouissement affectif dans le cadre d’une union égalitaire et solidaire et, de l’autre, la valorisation de l’activité professionnelle de chacun, de son autonomie et de sa réussite personnelle. Instrument de contrôle ou de libération, l’argent peut permettre l’autonomie ou au contraire sceller un lien ; il peut aussi prendre valeur de référent identitaire (argent de famille, héritage) pour les générations qui se succèdent, ou servir de repoussoir à certains de leurs membres dans un contexte familial difficile (l’argent sale).

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Individualisation et modèles de gestion des finances au sein des familles
Jan Pahl

Dans le présent article, nous étudions les modèles changeants de gestion des finances au sein des familles en Grande-Bretagne et ailleurs et en déduisons que les couples ont une approche plus individuelle qu’autrefois en ce qui a trait aux questions financières. À partir de données tant quantitatives que qualitatives, nous examinons quelques-unes des incidences de l’individualisation, en utilisant comme exemple les dépenses associées aux enfants et à la garde d’enfants. Nous situons ces données dans le contexte élargi des débats portant sur l’individualisation et l’État providence. Nous concluons qu’une gestion indépendante de l’argent peut donner à chaque partenaire un sens d’autonomie et de liberté individuelle, à condition que leurs revenus soient sensiblement les mêmes. Cependant, si les revenus de la femme accusent une baisse, par exemple, avec la naissance des enfants, tandis que ses dépenses augmentent parce qu’on s’attend à ce qu’elle défraie les coûts reliés aux enfants, la situation peut changer. L’individualisation dans la gestion des finances peut alors mener à l’inégalité au sein de la famille.

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Difficultés liées à la négociation dans la recherche sur la famille: un regard sur l’organisation financière des couples suédois
Charlott Nyman, Lars Evertsson

La négociation est devenue un aspect presque indissociable de la recherche sur les relations intimes. Dans le présent article, nous mettons en question la négociation en tant que concept efficace lorsqu’il s’agit de comprendre comment les couples organisent leur vie en commun, plus particulièrement la façon dont les couples suédois gèrent leurs finances. L’utilisation de la négociation tend à dissimuler certaines inégalités structurelles, puisque le quotidien est alors perçu comme le résultat d’une entente préétablie. Ceci nous porte à conceptualiser les relations de couple comme s’il n’y existait aucun rapport de pouvoir. Nous soutenons qu’un moyen plus efficace d’étudier l’organisation financière et la vie en commun des couples serait d’aborder ces sujets en tenant compte des rôles de genre dans la vie de tous les jours.

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L’entretien de l’enfant au sein des constellations familiales recomposées
Agnès Martial

L’anthropologie de la parenté peut, comme le montre Florence Weber, éclairer d’une manière inédite l’évolution actuelle des formes de la vie familiale. Dans cette perspective, on envisage les différentes logiques à l’oeuvre dans les échanges économiques unissant parents et beaux-parents autour de l’entretien de l’enfant dans les constellations familiales recomposées. Ces échanges semblent s’inscrire à la croisée d’une solidarité portée par la filiation et (ou) la corésidence – puisque les ressources des beaux-parents sont incluses dans les « comptes » qui président à l’entretien de l’enfant – et d’une réciprocité comptable, indirecte et contrainte, suscitée par l’existence d’un enfant commun à deux « familles ». L’approche diachronique envisagée permet en outre, à partir de quatorze études de cas, de reconstituer l’histoire des modalités relatives à l’entretien de l’enfant, et révèle que les organisation financières, comme les relations qui leur correspondent, évoluent au fur et à mesure que l’enfant grandit et accède à la gestion autonome de ses besoins financiers.

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L’argent entre germains adultes : ambivalence, déni et parades
Jean-Hugues Déchaux

Au sujet de l’argent, deux types de discours se mêlent dans les familles (Lacan, 2002) : celui qui exclut le calcul de la sphère familiale et celui qui le mentionne pour expliquer les tensions et les brouilles. D’un côté, la solidarité entre parents apparaît comme une « mise en scène de la gratuité » (Déchaux, 1996). De l’autre, chacun suppose que l’argent est à l’origine des difficultés rencontrées et qu’il alimente des passions perverses (jalousie, envie, avidité, convoitise, etc.) qui corrompent le lien de parenté. « Famille » et « Argent » constituent donc deux univers symboliques incompatibles et intimement liés, et l’interface de ces deux univers peut quelque fois être problématique. Dans cet article, nous mettrons d’abord en évidence le jeu discret des évaluations croisées au sein des fratries, dans lesquelles les considérations relatives à la situation économique de chacun jouent un grand rôle. Puis, après avoir montré que l’argent est perçu comme menaçant la bienveillance qui doit exister entre germains, nous verrons au prix de quels subterfuges les germains y ont tout de même recours dans leurs relations. Enfin, nous terminerons avec l’étude des règles de l’échange entre germains, en insistant sur la prégnance du principe égalitaire.

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Entre règles publiques et arrangements privés : le travail filial et la préservation des biens de famille
Simone Pennec

Cette analyse porte sur les différentes logiques familiales en présence quand il s’agit de tenir compte des obligations filiales et des obligations juridiques. Les cas étudiés présentent des situations dans lesquelles les règles de fonctionnement des mesures publiques conduisent à faire faire par les enfants un grand nombre d’actes de gestion des affaires concernant leurs ascendants. Aux arrangements de famille doit alors succéder la transparence des relevés de compte imposés par les divers registres publics. Ce qui conduit nombre des enfants à prendre en main le maniement des affaires d’argent, de chèques et cartes bancaires, et ce, d’autant plus fréquemment que sont par ailleurs régulièrement diffusés envers ces personnes âgées les appels à la prévoyance et à la sécurisation de leurs biens et argent détenus à domicile. Cette tendance s’étend à l’ensemble des relations d’entourage, voisins et amis compris, dans un souci de rationalisation et de sécurisation, au risque d’une certaine imposition de transparence publique faisant peu de cas des valeurs privées et du souci de confidentialité. Dans un tel contexte, les personnes en situation de handicap peuvent se trouver démunies de moyens d’échange et de tout moyen de s’assurer qu’il leur reste bien suffisamment d’argent pour vivre.

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Argent, circuits, relations intimes
Viviana A. Zelizer

La dichotomie entre les relations intimes et les relations impersonnelles s’inscrit dans une tradition de longue date. Pour échapper à cette dichotomie, l’article propose une approche fondée sur la prise en considération des circuits interpersonnels. Pour en illustrer la portée, quatre domaines sont étudiés : 1) les circuits organisationnels ; 2) les monnaies locales ; 3) les soins personnels rétribués et 4) la participation des enfants à l’économie familiale. L’auteure en conclut que les transactions, tant intimes qu’impersonnelles, passent souvent par des circuits que les participants délimitent entre eux par le biais de pratiques, d’ententes et de symboles bien ancrés qui diffèrent quelque peu d’un circuit à l’autre. Loin de déterminer la nature des relations interpersonnelles, les instruments d’échange (y compris la monnaie légale) incorporés dans ces circuits prennent des connotations particulières selon les ententes, les pratiques et les symboles qui font partie intégrante de ces circuits. Tels sont les moyens dont on se sert pour franchir le fossé apparemment infranchissable entre la solidarité sociale et les transactions monétisées. Ils constituent le point d’intersection entre l’argent et l’intimité.

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Les jeunes adultes québécois et le crédit
Marie J. Lachance, Pierre Beaudoin, Jean Robitaille

Connaissances, attitude et pratiques reliées au crédit de même que nature et niveau des dettes sont les aspects qui ont été évalués chez des Québécois de 18 à 29 ans. Les résultats indiquent que ces jeunes utilisent les produits de crédit à un niveau relativement élevé, mais connaissent peu leur fonctionnement. Leur attitude face au crédit et à l’endettement est partagée et une majorité d’entre eux prétend avoir certaines pratiques socialement désirables. Plus de 75% des jeunes ont au moins une dette, la plus répandue étant la dette d’étude, suivie du solde impayé sur une carte de crédit. L’étude permet de confirmer que le niveau d’utilisation du crédit et le nombre de jeunes ayant des dettes a cru considérablement depuis 10 ans.

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